Armes bactériologiques durant la Seconde Guerre mondiale

Don Gilberto
5 min readFeb 29, 2020
Général de division Shirō Ishii en 1932

Shirō Ishii (石井 四郎, Ishii Shirō?, 1892–1959) était le général de division de l’unité 731, chargée de la recherche sur les armes bactériologiques pendant la Seconde Guerre sino-japonaise. Il poussa le Japon à adopter une stratégie de guerre bactériologique alors que le pays était signataire du Protocole de Genève de 1925 interdisant le recours aux armes chimiques. Il fut la clé de voûte de l’organisation de programmes massifs d’expérimentations biomédicales, sur des cobayes humains notamment. Il fut à ce titre suspecté de crimes de guerre.

Alors qu’en Europe en 1947, le procès de Nuremberg met en évidence les responsabilités des nazis, un pacte secret est conclu entre Douglas MacArthur et Shiro Ishii. Ce pacte lui garantit l’immunité et le secret sur les atrocités commises en échange des résultats qu’il a obtenus. Une entente est conclue et tous les membres de l’Unité sont exonérés de poursuites devant le Tribunal de Tōkyō. Ils reçoivent en plus une allocation à vie, sans doute de l’armée américaine.

Alors que les milieux médicaux, militaires et aristocratiques (la famille impériale notamment) connaissaient l’histoire de l’Unité 731, longtemps les Japonais ignorèrent son existence. Wikipedia, Shirō Ishii

Armée impérial japonaise (1867–1945)

Pourquoi l’histoire de l’Unité 731 reste taboue au Japon

Article de: Johann Fleuri, 01/10/18; Les Inrockuptibles

Les cobayes de l’Unité 731, spécialisée dans le développement d’armes bactériologiques durant la Seconde Guerre mondiale, étaient-ils des singes comme cela est mentionné dans les archives nationales japonaises ou des civils ? La question posée par le professeur Katsuo Nishiyama et son association ravive un épisode douloureux du passé.

L’Unité 731, coordonnée par l’Université impériale japonaise de Kyoto, a-t-elle procédé à des expérimentations bactériologiques sur des cobayes humains durant la Seconde Guerre Mondiale ? Pour Katsuo Nishiyama, professeur émérite en médecine préventive de l’Université des sciences médicales de Shiga, cela ne fait pas de doute. Pour étayer son propos, il dévoile un document récemment trouvé dans les archives nationales du Japon. “Il s’agit de la liste complète des identités des personnes qui ont été impliquées dans les travaux de l’Unité, soit 3607 personnes dont 731 soldats. C’est la première fois qu’un tel document, attestant de l’existence de la mission, est trouvé et rendu public”.

Des cobayes humains

De 1938 à la fin de la Seconde Guerre mondiale, une équipe de médecins et de scientifiques militaires, s’installe dans la ville d’Harbin, située dans la province chinoise d’Heilongjiang alors sous occupation japonaise, afin d’y élaborer des armes chimiques et bactériologiques. La mission de l’Unité 731, alors nommée “Département de prévention épidémique et de purification de l’eau” sera réalisée dans le plus grand secret. Sur les écrits, les cobayes utilisés dans le cadre des expériences sont officiellement des animaux, des “singes de Mandchourie”. Or “tout porte à croire que les cobayes étaient bien des êtres humains”, affirme le professeur. Des civils, majoritairement chinois, coréens, et russes. Ainsi, les chercheurs de l’Unité ont inoculé des maladies telles que la peste et le choléra à des milliers de prisonniers “envoyés en traitement spécial”.

Le professeur insiste sur l’ambiguïté volontairement cultivée dans les documents d’époque ainsi que l’incohérence des résultats. “Après six à huit jours d’infection, les singes atteints de la peste se seraient plaints de maux de tête, de fortes fièvres, de perte d’appétit, explique le professeur. Il est possible d’observer la fièvre chez le singe mais comment ces derniers peuvent-ils se plaindre de maux de tête ?”. Les résultats de la recherche intitulée “Sur la capacité de la puce du chien à transmettre la peste”; synthèse des travaux menés dans l’Unité, ont été présentés puis conservés à l’Université de Kyoto après la Guerre .”Une thèse a été validée le 31 mai 1945 puis confirmée par le Ministère de l’Education en 1946, or cette recherche a violé les codes éthiques de la médecine, s’indigne Katsuo Nishiyama. D’un point de vue humaniste, c’est totalement inacceptable”.

“On les appelait les bûches”

Au Japon, la mission de l’Unité 731 reste un sujet tabou et sensible. L’opinion publique n’est pas vraiment au fait de l’existence de ces travaux “qui n’ont jamais été inscrits dans les manuels scolaires, précise Katsuo Nishiyama. Les jeunes doivent souvent attendre l’université pour en entendre parler”. Décédé en 2004, Yoshio Shinozuka fut à la fin de sa vie, l’un des rares tortionnaires repentis de ladite cellule de recherche. Dans un documentaire, il témoignait : “On les appelait les bûches. Lorsque je suis arrivé dans l’unité 731, j’avais 15 ans. J’étais étudiant en médecine, je ne savais pas ce qui m’attendait. Je n’avais aucune idée du contenu de la mission. Puis, j’ai compris : les bûches étaient les prisonniers à qui nous devions transmettre des maladies comme la peste, le choléra, la typhoïde, puis sur lesquels étaient pratiquées des vivisections”. Il ajoute : “Je ne comprends pas pourquoi les responsables de l’unité n’ont pas été jugés à l’époque du procès de Tokyo en tant que criminels de guerre. Aujourd’hui, des actions sont menées par la Chine pour que cette partie de l’histoire soit reconnue mais cela aurait dû être fait depuis longtemps”.

Le laboratoire du Diable

Yang Yan-Jin, jeune chercheur chinois de l’université d’Harbin et auteur d’un ouvrage en anglais publié au printemps dernier sur l’Unité 731, surnomme le site : “Le laboratoire du Diable” ou “L’Auschwitz de l’Est”. Dans la ville d’Harbin, un musée a été construit et on y affirme que près de 3000 personnes ont péri dans l’enceinte de l’Unité 731. A la fin de la guerre, les épidémies, les bombes bactériologiques et les rats, volontairement contaminés et relâchés dans les villages alentours, auraient fait près de 20 000 victimes supplémentaires. Une stèle a été érigée près des décombres des bâtiments et une reconnaissance au patrimoine mondial a été déposée. Aujourd’hui, près d’un millier de bombes bactériologiques seraient toujours enfouies sous une colline, au sud d’Harbin .

Masataka Mori, professeur retraité de l’Université de Shizuoka et spécialiste du sujet, s’est souvent rendu à Harbin. Lorsqu’il enseignait encore, il présentait le contenu des travaux de l’Unité 731 à ses étudiants souvent stupéfaits de jamais en avoir entendu parler avant. Il explique dans un média japonais, que “dans le classement des événements qui ont le plus choqué la population chinoise lors de l’occupation japonaise, l’Unité 731 est placée en seconde place, juste après le massacre de Nankin”.

Article de: Johann Fleuri, 01/10/18; ; Les Inrockuptibles

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