AU-DELÀ D’UNE SAISON

Don Gilberto
85 min readDec 29, 2024

AU-DELÀ D’UNE SAISON

Gilbert Mervilus

Préface

En ouvrant ce livre, tu entres, ami lecteur en Haïti.

Haïti, la perle des Antilles!

Haïti aux voyelles joyeuses et chantantes.

Haïti au carnaval délirant.

Haïti la Première, fière de sa République Indépendante

Mais aussi

Haïti au cri qui résonne douloureusement depuis longtemps, trop longtemps.

Haïti terre meurtrie par les colères de la Terre.

Haïti trahie par ses propres enfants

Haïti vandalisée par des rapaces voraces

Haïti, royaume de la corruption et de la misère

Haïti porte de l’enfer…

Attends ! Ne pars pas, ami lecteur ! Ne ferme pas ce livre à la lecture de ces dernières lignes, laisse-toi guider par la voix de son auteur, Gilbert Mervilus pour les uns, Don Gilberto pour les autres, Gil pour les proches… Très vite tu te lieras d’amitié pour cet homme remarquable, à l’immense culture cosmopolite. Il est né sur cette Terre. Il y a grandi et a croisé des personnages admirablement lumineux et humains, des êtres qui permettent de tisser la trame d’une vie meilleure, des acteurs de la vie de tous les jours qui révèlent la noirceur des vautours.

Avec un style qui lui est propre, poétique, imagé, ironique pour ne pas dire caustique par pudeur, pour cacher sa douleur et peut-être maîtriser sa rage, Gilbert Mervilus nous entraîne Au-delà des Saisons. Ces périodes naviguent sur une ligne du temps où les allers et retours dans le passé et le présent suivent les turbulences mafieuses, les « pulsations » des gouvernants successifs, ces humains aux masquesde despotes outranciers ou de valets obséquieux des plus puissants d’ailleurs.

Une fois la dernière ligne parcourue, le dernier mot prononcé, le dernier point posé,reste le silence. Un silence lourd de notre impuissance. Mais on peut rêver n’est-ce pas ? Alors ne t’arrête pas là, ami lecteur. Plonge ce livre dans ton univers comme tu le ferais d’une bouteille à la mer. Fais-le voyager. Il se trouvera bien des yeux pour rêver aussi, des yeux grands à bâtir et reconstruire…pour de vrai.

Liliane Baron, Paris

AU-DELÀ D’UNE SAISON

«Basé sur des personnages et des situations complexes, ce récit évoque une époque difficile de notre histoire. Certains acteurs ont bien existé, d’autres sont purement fictifs. »

«[…]

Il y a, chez toi, cette respectueuse patience, pour éteindre, calmement, les flammes de l’enfer, sans provoquer Lucifer. Au-delà d’une saison, je souhaite que tu m’éclaires chaque jour».

PRINTEMPS

Le commandant avait, ce jour-là, autour de lui, trois jeunes belles dominicaines. Tout le monde paraissait heureux. Visiblement, le commandant était religieusement convaincu que sa révolution incarnait le bien. Difficile de savoir, quel flatteur matinal avait signalé au chef de cette première agitation majeure du XXIème siècle, dans nos annales turbulentes, l’immensité grandiose de son aura. Il n’était pas un simple secrétaire d’Etat du temps des baïonnettes, chargé d’un bref intérimat ; on ne se permettrait, non plus, de le comparer à un ridicule notable d’un comité de salut public. Ces incendiaires, généralement pressés et faiseurs de cartouches costumés, étaient très affairés à bricoler un arc de triomphe, pour accueillir le chef rebelle victorieux et l’entourer immédiatement de mulâtresses aguerries.

Inoubliables, le sourire et les bonnes manières de ces trois ravissantes dames, qui n’étaient pas encore dans la trentaine et ressemblaient à des étudiantes de bonne famille, en vacances chez une personnalité de référence. Ce jour-là, pendant un peu plus d’une heure, les sourires exprimaient beaucoup plus que les phrases elles-mêmes. Phénomène franchement nouveau sous nos cieux… Le commandant avait la double réputation de financier et de marchand de canons. Pour diversifier son immense fortune, il achetait la moitié ou le quart des édifices d’un quartier, jugé intéressant, selon ses renseignements ou son exceptionnel flair. Le prix l’importait peu. C’était une bourse immense, un partenaire généreux et ponctuel. Le plus important dans ses rapports avec les autres : le respect.

L’on rapporte qu’un jour, un consul d’Amérique centrale, interpellé par la provenance du règlement comptable d’une certaine quantité de billets d’avion, avait décidé de s’informer en profondeur sur les activités de celui qu’on appelait à l’époque, « Mister ». Un beau matin, quinze minutes après l’ouverture du consulat, la secrétaire informa le consul qu’un certain « Mister » souhaitait le voir, pour répondre personnellement à ce que « désire tant savoir monsieur le consul »… Peu de jours après cette visite — laquelle fit la une des conversations à voix basse, dans un pays où un consul étranger est parfois aussi considéré, selon son drapeau, comme vice-roi des Indes — ceux qui faisaient allusion au « Mister » prononçaient, respectueusement, le qualificatif « le suprême »… Tout simplement, nous apprenions qu’à la suite de l’entretien, de fonctionnaire diplomatique, ce consul était devenu un employé de confiance du suprême.

Selon la tradition du 19ème siècle, des agents très spéciaux aidèrent à embarquer le président destitué, sa famille proche et quelques fidèles. La France se trouvait au cœur du désordre planifié, avec troupes et aussi ses idéologues, détachés sur le terrain. Conformément à ce qui avait été prévu sur l’agenda, le gouvernement de la rébellion prit d’assaut les ministères. La première mesure administrative de la plupart des titulaires fut de transférer le carburant des génératrices à leur véhicule de fonction et les escortes respectives. Pendant plus d’une semaine, ventilation, ordinateurs et éclairage reçurent donc le baptême de choc de la nouvelle équipe : « à l’impossible, nous sommes tenus »…

Napoléontown, et ses alentours, représentaient, depuis le milieu de la dernière décennie du XXème siècle, un étrange mélange de mystères et de sophistications socioéconomiques. Alors que le pays sortait à peine et difficilement de l’embargo officiel, quelques napoléonais intelligents, profitant de l’arrivée des contingents de soldats de la métropole, fixèrent au prix fort, biens et services. Le reste de la république suivit le courant. D’autres intelligents de la région, beaucoup plus expérimentés, adhérèrent àla tendance en l’encourageant, souvent violemment. Ils faisaient, ces investisseurs, la promotion de nouvelles marchandises et d’une nouvelle classe de soldats, véritables maîtres des vies et des biens, sans le proclamer. Financièrement, chaque caporal semblait diriger sa propre banque centrale…

A l’époque, la structure d’hébergement hôtelier se limitait à quelques dizaines de chambres. Quelques puissants napoléonais décidèrent de construire d’imposantes résidences, apparemment destinées aux fonctionnaires de la communauté internationale. Tout le monde savait que le budget d’un haut fonctionnaire est, jusqu’à une certaine limite, relativement limité. Sans compter les tracasseries quant aux multiples traces comptables et la transparence du dossier fiscal. A Napoléontown, la légendaire culture financière opaque des rentiers et contrebandiers avait très peu d’inclination pour l’arithmétique cartésienne. Leur cécité était grassement récompensée. Un et un ne faisaient pas toujours deux… Avec des clients discrets, dont on ignorait l’identité réelle, la durée du séjour et qui payaient au comptant, tout le monde semblait y gagner. La simple mention verbale d’une référence simplifiait toutes les formalités. En général, lorsque ces locataires payaient une année d’avance, ils séjournaient pour un trimestre, au maximum. Pendant plus d’une décennie, la grande vie économique à Napoléontown marchait ainsi et tout ce qu’il y avait autour, suivait les mêmes pas… Lorsqu’éclata la révolution, avec ses phases, les unes plus savantes que les autres, nous croyions naïvement qu’il s’agissait de simples rivalités commerciales.

L’Eglise, toutes confessions confondues, la classe politique, toutes confiseries idéologiques ; les ambassades, grandes et petites, applaudirent la présence de cette classe de soldats-investisseurs. Les incisives déclarations, strictement conjoncturelles, obéissaient à la stratégie entre pirates et se foutaient des conséquences morales. Ces richissimes alliés, comme tombés du « ciel », aidaient à justifier la politique du pire, envers ce qui restait de pays. Personne ne se fiait aux statistiques, autour de la délinquance. L’autorité internationale de tutelle augmentait la tension, en faisant grimacer le spectre de l’insécurité alimentaire, qui produit toujours des dividendes inimaginables. Tout le monde semblait oublier qui (pluriel) avait liquidé l’agriculture et comment.

Dans le milieu commercial d’hier, l’histoire des enseignes nous paraissait à la fois humaine et enrichissante, du portail Saint-Joseph, au nord, à celui dit de Léogâne, au sud. Autrement dit, on sentait les palpitations du cœur de ce centre-ville de jadis. Untel était le prête-nom de telle personnalité et « unetelle », propriété de l’heure d’un collectionneur au pouvoir. Les loups garous, réels ou imaginaires ne manquaient pas. Protection par essence et bouclier d’avancement par définition ! Le nouvel ordre n’entrait pas dans ces logiques de l’âge de pierre. La grande enseigne, nulle part accrochée, se lisait sur les visages et les devantures : « l’argent a changé de mains »… Et les mains actuelles s’affichaient ensanglantées et vindicatives !

Cette révolution, comme la plupart de nos « choses », symbolisait un troublant package de mystifications dévastatrices. De faux indignés se laissaient manipuler pour cinquante centimes, au premier acte. Ensuite, ils furent placés dans un « stand-by » alimentaire atroce : on les massacra de promesses. Toute révolution ayant sa propre logique et ses surprenants contrecoups, ces faux indignés firent un volte-face spectaculaire, pour appuyer, désespérément, ce qu’ils croyaient combattre. Il faut bien retenir que la démagogie populacière des faux indignés allait beaucoup plus vite que l’appétit révolutionnaire dérangé des mercenaires.

Une saison, chez nous, c’était quoi ? Contrairement à la définition du dictionnaire, « époque de l’année caractérisée par son climat et par l’état de la végétation », une saison pour nous, c’est un homme, une femme, une histoire, une déclaration, un communiqué, un drame, une comédie, un gouvernement, une attitude, un comportement ; parfois, cela menace de durer, parfois… En pays socialement volcanique, les saisons sont terriblement sèches, tragiquement pluvieuses, rocambolesques et absurdes.

De grands points d’interrogation ont entouré la fulgurante carrière du commandant. D’après les uns, il aurait été proche du premier cercle de Yasser Arafat, lequel, en toute solidarité entre compères, lui aurait ouvert une lucarne de la tente de feu l’illustre colonel libyen, Mouammar Kadhafi. Pour les autres, c’était un aviateur chevronné, spécialiste des atterrissages nocturnes… L’on n’a jamais su pour quelle compagnie il travaillait. Les plus au parfum de son entourage restreint avancèrent même qu’il détenait plusieurs passeports, car dès que la météorologie politique se faisait grimaçante, il disparaissait. Avait-il une chambre à l’aéroport ou au poste frontalier ?

Un lointain jour d’un printemps agité, alors que les geôliers jouaient au domino avec les détenus, un commando se présenta à la prison centrale. Le métalliquement musclé commando avait pour mission d’exfiltrer le commandant, devenu pensionnaire forcé entre les murs carcéraux, parce qu’en sérieuses difficultés avec les grands comptables de la hiérarchie occulte et les puissants sponsors du gouvernement mondial. Après ce spectacle, qui faisait trembler la ville et le pays, les résultats de l’enquête promise par le gouvernement d’alors, n’ont pas dépassé le stade des déclarations ridiculement intempestives de toujours…

Ces trois charmantes dames, rencontrées chez le commandant, quelques semaines après le triomphe des rebelles, ressemblaient à des banquières de choc, beaucoup plus impressionnantes dans la réalité que sur l’écran.

ÉTÉ

Au hasard de mes déambulations, des parfums, des images, des gens, me ramènent à des périodes de mon histoire, une histoire fortement marquée par celle de ma terre.

C’est ainsi que je revois une arme particulière. C’était au début de la « période spéciale », lors de mon premier voyage à Cuba. Je restai quelques bonnes minutes à observer le fusil d’assaut que portait chacune des deux sentinelles, à l’entrée du mémorial Granma, le mythique bateau des « barbudos » cubains. J’avais lu et appris sur cette arme fascinante et son impressionnant parcours, fait de rafales meurtrières et tempêtes révolutionnaires.

Presque quinze ans plus tard, je m’étais rendu dans ce quartier des hauteurs d’un autre territoire de la Caraïbe, où l’inexplicable prix du mètre carré reste un mystère. Entre la salle d’attente du grand balcon et l’immense salon, on se sentait « quelque part » et ailleurs, comme loin de nos frontières. Cependant, il suffisait de bien regarder, à partir de l’angle sud de ce même vaste balcon pour se rendre compte qu’à quelques centaines de mètres, un bidonville grimaçait…Quel rapport me direz-vous ? Patientez, comme nous patientons et imprégnez-vous du sens des mots que ma mémoire vous envoie.

J’avais fait la connaissance du propriétaire, quelques années auparavant, et pendant presque trois ans, j’avais été chargé des traductions pour son bureau. Un matin, je me rendis chez le « commandant suprême de la rébellion », fraîchement rentré d’un exil de quelques mois. En sa somptueuse résidence, il me présenta le numéro deux de la branche militaire, un obscur sergent dont la soudaine bravoure supposée, rivalisait avec celle des pères fondateurs. En effet, ne racontait-on pas qu’il commanda un jour de décembre l’attaque simultanée du palais national et de l’académie de police. Au palais, la garde prit la fuite et à l’académie, les cadets étaient en congé dominical. L’on ne sait pourquoi, l’assistant du sergent, un ancien caporal, portait le nom du fameux boxeur Mike Tyson.

Devenu le centre véritable de la république, pendant quelques jours, la résidence du commandant suprême recevait, dès l’aube, par centaine, des candidats aux postes ministériels et directions générales, de grands et petits commerçants inquiets, des politiciens en disgrâce, des intellectuels pétitionnaires, des diplomates mais bizarrement pas de journalistes. L’avocat et moi avions été immédiatement reçus par le chef de la « révolution ». Tôt, il nous avait chargés, par téléphone, de lui trouver un ouvrage mystique rare et à succès, sur l’invocation des anges, bons et mauvais…

Pistolet Glock à la ceinture, avec ses éternels mocassins, de la marque Sebago, l’air pensif, il nous assura : « Ce que nous avons fait, c’est pour le bien du pays que nous l’avons fait ». Alors qu’il tenait à nous présenter d’autres fidèles du premier cercle restreint, je remarquai, déposés à côté d’un canapé, deux fusils, avec la même présentation de la crosse au bois contreplaqué, identiques à ceux que j’avais observés à La Havane, presque quinze ans plus tôt.

Ce jour-là, j’appris que l’unité, accompagnée d’un chargeur, se vendait à $ US 3.500 sur notre « marché ». Et d’après les rumeurs, les sponsors cachés de la « révolution » auraient remis au commandant suprême une somme appréciable pour négocier la récupération de l’arsenal révolutionnaire, en circulation…

L’histoire personnelle de Mikhaïl Kalachnikov m’intéressait, comme celle de tous les illustres soviétiques qu’on évitait de nous raconter. C’était comme la vodka Stolychnaya, partout présente, avec le jus d’orange, mais dont on ignorait tout. Je repense à cela aujourd’hui, alors que le vénérable camarade Kalachnikov vient de s’éteindre, paisiblement, dans un centre hospitalier de son pays et que la plupart de ceux qui avaient utilisé son œuvre la plus répandue ont été tous, exécutés violemment…Des années après, l’odyssée même de leurs dépouilles restent un mystère.

Des mots résonnent encore à mon oreille. « […] la police a tué samedi l’ex-sergent rebelle au cours d’une fusillade. Il était un dirigeant remarquable du mouvement. Brusquement accusé du meurtre de quatre policiers et de plusieurs autres actes de banditisme, il avait choisi la clandestinité en clamant désespérément son innocence », d’une part…

D’autre part, de longs mois après l’exécution de l’ex-sergent, ancienne idole des politiciens, un commando sophistiqué se chargea de mettre un point final à la trajectoire et la légende de l’ancien commandant suprême, aviateur de profession. A l’occasion, le milieu fit savoir que l’ancien pilote n’avait pas réglé d’importantes factures chez les fournisseurs, partenaires et sponsors de la « révolution » ; qu’il n’avait pas respecté le prorata des profits lors d’une spectaculaire évasion pénitentiaire; qu’il avait roulé de puissants compañeros, portant passeport sud-américain ; que d’indulgents officiers de la police n’avaient pas été gratifiés pour leur cécité éphémère ; bref, sa seule présence active sur le territoire, avait contrarié soudainement le nouveau pouvoir et le bienheureux club des présidents retraités. Je réalise à cette évocation, que nous avons vécu une lourde saison, chargée de barbarismes sulfureux…

Très vite de nouveaux éléments allaient s’installer dans notre tumultueuse histoire : les marchands de canons. Le pays ne figurait pas sur la liste officielle des grands utilisateurs d’armes à feu. L’ancien régime nous avait habitués au catalogue simplifié des stocks américains. Fusils Springfield M1, révolvers calibre 38 Smith &Wesson et le légendaire pistolet Colt 45. Vers le début des années 80, la milice, l’armée et monsieur-tout-le-monde-bien-souché, paradaient avec le pistolet mitrailleur israélien Uzi. A la fin de la décennie 80–90, Taurus, Beretta, Sig Sauer « fleurissaient » notre « marché »… Les nouvelles facilités, tant douanières “qu’amicales”, avec la réouverture de quelques ports de province “facilitaient” le commerce et la contrebande. Toutefois le Wall-Street des aliments et de l’armement restait la région frontalière. Pendant la période dite de « l’embargo », entre 1991 et 1994, le semi-automatique Desert-Eagle se faufila sur notre théâtre… Nos combattants dits « de la liberté » avaient, entre-temps, choisi le territoire voisin, comme terre d’exil, banque centrale, quartier général, siège au gouvernement provisoire et base opérationnelle.

Correspondance : « Sincèrement, après avoir discuté les faits tels qu’ils se sont produits, historiquement, je tenais à observer mes acteurs : sans triomphalisme, fanatisme ou afro-pessimisme … Est afro- pessimiste celui qui croit que l’enfer est fait pour les nègres. Nous concluons que dans l’histoire financière et mafieuse des Amériques, les deux républiques de l’ile jouissent d’une enviable santé transfrontalière. Après le tremblement de terre de Janvier 2010, les temps anciens, lorsque Balaguer et notre président à vie contrôlaient la frontière et tous les cimetières autour d’elle, à travers leur police politique respective, ne disait-on pas, au niveau de l’équilibre stratégique des quotas, « l’un tue pour l’autre ».Quant à Rafael Trujillo, qu’on croyait le plus sanguinaire de l’Ile, il a tant d’admirateurs dans certains secteurs de nos élites, qu’on ne les compte pas. Il est, d’ailleurs, une bizarre relation fascinante : si ces bourgeois-là pouvaient atteindre Trujillo dans la répression, ils n’hésiteraient pas à proclamer au monde entier : « il n’y a pas de danger à nous suivre »… Enfin, la ressemblance ou une sorte de parenté mystique dans le bréviaire doctrinale Trujillo-politiciens- nos financiers nationaux, ne troublait que les naïfs. Au-delà, de ridicules communiqués officiels et surtout des notes inspirées de ces organisations de « droits humains » dissimulent leur commerce.
Quelque chose, bien sûr, de grave a eu lieu. Le silence, tragique et sinistre silence, dit tout. Et … le pire, ce silence de gens, toujours disposés à insulter la maman des autres pour un rien.

Sur ces entrefaites, le général Augusto Heleno Ribeiro Pereira débarqua. Cet ancien commandant militaire de l’Amazonie fut un officier remarquable, sur notre arène drôlement ensanglantée. Par devant une commission du Congrès brésilien, il déclara, « nous sommes sous une pression extrême de la communauté internationale à la violence »…

C’était une époque tragique, où la prolifération de l’arsenal postrévolutionnaire avait favorisé la multiplication grandissante des zones dites de « non-droit ». La statistique réelle des enlèvements n’a jamais été connue ; le nombre d’assassinats liés aux enlèvements n’a jamais été établi ; les cas de suicide après enlèvement suivi de viols n’ont jamais préoccupé les autorités. Des familles entières plongèrent dans la détresse, suite à cette longue saison de meurtres ; des familles entières perdirent toute leur capacité financière et l’on évita, soigneusement de compter celles qui abandonnèrent définitivement le pays. Humainement et légalement, Heleno fit ce qu’il pouvait faire, jusqu’à sa démission, souhaitée ardemment par la « réaction » et bousculée par de troublants évènements, d’une ponctualité macabre. Entre-temps, alors que l’assaut aux postes de l’administration publique gagnait de grosses étoiles, la société civile des affaires, c’est-à-dire les sponsors locaux de la révolution, réalisa son coup d’Etat fiscal : le gouvernement leur donna en cadeau une appréciable période de « franchise douanière », dans le but de se refaire une santé économique et financière…

Un vendredi après-midi de janvier, la ville et le pays tremblèrent. A la capitale, nous nous regardions dans les yeux, sans commenter, puisque cela faisait déjà trois dures années que nous avions pris l’habitude de nous méfier de notre ombre et d’avoir peur de nos propres battements de cœur. C’était une saison où le principal rendez-vous social, pour une large couche de la population, se résumait en cérémonies de prières et visites de condoléances. Ce vendredi-là, le successeur d‘Heleno, le général brésilien Urano Teixeira Da Matta Bacellar « a été retrouvé mort dans sa chambre d’hôtel ». Il se serait accidentellement suicidé…

Entre la naissance et la projection sur l’arène, une nouvelle génération vivait mal l’adolescence ; on retrouva les prétextes de toujours pour lui faire avaler que notre terre est mangeuse d’hommes. C’était peut-être vrai, mais il arrive fatalement un jour où on finit par découvrir qu’un certain nombre de dérangés avaient concentré trop de pouvoirs, dans leur misérable ascension personnelle, au cœur de l’histoire de ce pays. Ces énergumènes, au cv hypermédiatisé, aujourd’hui en forfaits et millions, hier à coups de sabre dans toutes les directions, sont parvenus à constituer, avec l’inévitable froid recul cynique de la vraie vie, une encyclopédie crasseuse et dégoutante. J’ai vu des hommes manger de la terre ; j’ai vu des êtres humains avaler de la ferraille ; des créatures humaines obligées, aussi, à avaler du fatras farci sous étiquette; n’ai-je pas connu « l’armée cannibale », celle dont les chefs prétendus ont été dévorés par d’autres hommes, sourire aux lèvres, face aux caméras du monde entier ! Ne venons-nous pas d’apprendre que huit femmes sont mortes piétinées, au cours d’une distribution de kits alimentaires, et ce même jour de Noël, dix-huit compatriotes ont été offerts aux requins de la Caraïbe, suite au naufrage de leur embarcation, en route first class vers l’enfer. A quoi bon parler de « frères » et « sœurs », dans cette arène où la pulsion cannibale guette, à chaque saison ?

Pauvre terre, pourtant innocente, depuis toujours ! Cannibalisée depuis plus de cinq cents ans, certainement ! Dix ans avant l’arrivée d’Heleno, des circonstances particulières balayèrent une version des Forces armées. Sur simple communiqué de la présidence. Ensuite, une cinquantaine de généraux -au moins !-, aux brillantes étoiles d’autres états-majors, défilèrent sous nos cieux. Et ce, grâce à leur bravoure ajustée à la feuille de route du conseil de sécurité et une intrépidité se résumant à placer à la tête de l’exécutif présidentiel, « le candidat » des Etats-Unis, d’abord, en accord avec les métropoles de toujours. Généralement, ces généraux s’en vont avec de grosses médailles sur la poitrine et le cv grandissant. Ronald S. Coleman n’a-t-il pas été décoré, par le gouvernement français, de la « médaille d’or de la défense française » pour son leadership de là où je vous écris!

En deux décennies, tout ceci et « beaucoup d’autres choses non écrites entre ces lignes », favorisèrent tous les trafics et créèrent une nouvelle race de retraités, au parcours impressionnant dans la justification de la bêtise : présidents de la république retraités, premiers ministres et ministres retraités, parlementaires retraités, conseillers, directeurs, diplomates, etc. etc. Sur une petite feuille de carnet minuscule, leur demander une intention de bilan finirait par les effrayer ; ils ne pourraient produire que des actifs personnels… ce qui laisse, supposer, un lourd passif, dans les livres de la république.

Léger-Félicité Sonthonax, s’il le pouvait, organiserait le plus long peloton de l’histoire, aussi long que la Grande muraille de Chine… pour combattre cette race qui transforma la république, en un Himalaya de cadavres !

AUTOMNE

[…] Je me suis rappelé l’histoire du capitaine Wilm Hosenfeld et du pianiste Wladyslaw Szpilman. Ce qu’on appelle dans le film, la « scène du piano », ressemble à un chapitre quelconque de notre histoire : un homme, en difficultés majeures, a besoin d’un morceau de pain, et le voici en face d’un sauveur et ce trait d’union solennel entre ces deux personnages, le piano. Généralement, dans notre triste petit pays ridicule, un régime se charge de fusiller le pianiste, un autre se charge de liquider l’officier et viendra un troisième, lequel au nom du chambardement révolutionnaire total et radical, brûlerait le piano et tout ce qui aurait pu se rapporter au piano, depuis les partitions, jusqu’à l’acte de naissance même du pianiste ! Le phénomène nous dépasse, n’est-ce-pas ? […]

Je crois avoir entendu des extraits de discours, lors de la grande saison des reportages autour du décès de Mandela. « Je n’accepterai ni la dictature des noirs, ni celle des blancs ». Seul un combattant, conscient de l’envergure de la bataille et de la complexité terrifiante de son arène, parle ainsi. Là où je suis né, l’apartheid est beaucoup plus subtil, violent et ridicule.

Le dérangé déguisé, mal masqué parmi nous, à un niveau quelconque de proximité, ou se projetant comme leader incontournable, impose, tôt ou tard, sa fausse ou sa vraie mulâtresse, sa conseillère, mère, sœur spirituelle, mambo des temps nouveaux, à un niveau quelconque ! Et, nous suivons, passivement, comme complices édentés ou hébétés. Ipso facto, cet énergumène, noir ou mulâtre, se croira aristocrate. Ceci dit, si au cours de sa carrière, il vise quatre mandats, à chaque période, il changera de coéquipière. On l’a vu et vécu, et le fait d’armes fut applaudi, par tout le corps social, avec pieds et mains, à voix basse : Son Excellence est homme « fambré ». Le gouvernement et le parlement suivront…

Il y a moins d’un siècle, c’était un sujet appartenant à la mortelle raison d’Etat, mais ces jours-ci, le monde de partout, se moque, assez confortablement, du racisme de nos esclavagistes et de leurs petites suites tribales, rocambolesquement éparpillées entre Miami et Santo Domingo, chaque week-end. Vous comprendrez, aussi, qu’ailleurs, le capital a besoin de gaspillages pour survivre. C’est comme cet électricien qui déclara à un journaliste, dans un reportage autour des biens mal acquis, « il faut quand même des gens pouvant permettre d’entretenir les anciens hôtels particuliers »…. Ici, comme ailleurs, la lutte des places dans la crasse, jouit de fortes complicités, en haut lieu planétaire.

Nous éviterons de regarder les choses d’hier avec les yeux d’aujourd’hui, pour une fois, au moins ; mais pas d’habitude, car le passéisme domine les moindres détails du crasseux quotidien. Ah oui, surtout lorsqu’un politicien attaché à la chambre des députés s’écria avec un étonnement pathétique, « il n’y a pas de reconstruction à la capitale » ! Soyons sérieux, pour une minute. La police internationale n’aurait pas déjà fiché arnaqueurs et faussaires, papes du self-service outrancier jusqu’au vomissement ? Sur ce plan là, bien que la statistique officielle se taise, mystérieusement, noirs et mulâtres sont à égalité. Bizarrement, étonnés comme des enfants-petits-jésus-pris-dans- un-guêpier, ils réagissent avec une douloureuse consternation en constatant notre descente aux enfers.

Au début de l’aventure, généraux noirs et généraux mulâtres n’avaient-ils pas dépecé le territoire, selon leur gourmandise et la longueur de leurs baïonnettes ? L’autre jour, le slogan fit peur. « Dessalines va chez Pétion ». Le général-empereur assassiné, chez le symbole du pouvoir mulâtre. En fait, dans l’imaginaire éphémèrement déféodalisé d’une citoyenneté orpheline, prompte à crier « Vive Napoléon », s’il lui eut été possible, dans une nouvelle vie, de maquiller les chaînes avec des baguettes et du croissant ; il aurait, l’habile premier consul, certainement, apporté dans son contingent, Bocuse, Ducasse et Robuchon, nouveaux commissaires civils, chefs de cuisine, généraux alimentaires. Sarkozy a bien raté sa visite, parce qu’il n’a pas su faire d’une pierre, mille coups : nommer Kouchner boulanger en chef, avec pour principal mandat, donner du pain à l’ancienne colonie. Colonie, en quête de recolonisation au rabais, suite au régime des agronomes affameurs, solennellement empêtrés dans un deux-pointes-trois-grouillades post-séisme, vociférant déchus, face à Obama-Clinton-Bush et consorts, comme si ce nouvel Himalaya de cadavres justifiait un bon dollar « In God We Trust », aux yeux du capitalisme global !

Dessalines, une fois installé chez Pétion, le « système » chargerait Marie-Madeleine, « Joute » ainsi connue, de couillonner l’empereur et le général-orfèvre, pour placer, dans cette nouvelle aventure, pour un très long mandat, son général Boyer chéri à la tête de tout. Qui, sait, aux charmes revigorés, elle engloutirait cette fois-ci les crétins-généraux onusiens. « On ne dit pas ceci ; on ne fait pas cela ; on ne ceci, on ne cela ; etc. etc. ». Les principaux représentants, patentés médiatiquement, pour s’exprimer au nom du « système », tremblèrent. Quelques jours plus tard, les ardeurs en acide salivaire, autour de Dessalines et Pétion s’étant conjoncturellement calmées, on apprenait, toujours à haute voix, qu’un de nos ministres se sent toujours à l’aise lorsqu’il est en compagnie de gens, nationaux ou étrangers, au teint clair.

Face à Marie-Madeleine, le « système » créa La Belle-Victoire. Elle aurait été, à la fois fascinante et analphabète. Un fait certain, d’une originalité foudroyante, car dans sa généalogie réelle, on ne retrouve pas le classique colon paternel. Cette puissante dame, aux détonantes capacités cérébrales entre les cuisses et dans les relations avec les esprits, géra admirablement l’un de nos plus illustres dérangés, le « mabial* » généralissime Florvil Hyppolite. Parce que, dans cette dangereuse comédie, « il est beau ; elle est gentille », le pouvoir est d’abord grotesque. Un stupide carnaval, au quotidien, pourtant applaudi, à voix basse.

*acariâtre, brutalement colérique. Notes: Jean-Jacques Dessalines (noir), Alexandre Pétion (mulâtre), Jean-Pierre Boyer (mulâtre), Pères fondateurs nationaux… (La liste complète est plutôt longue…)

Ce soir-là, vers presque trois heures du matin, je pris goût à m’asseoir, à côté de la statue Nègre Marron, le seul héros de l’histoire nationale, pour ensemble commenter, certaines de nos affreuses affaires. C’était devenu un rendez-vous ponctuel. Malgré de sérieux chocs et de violentes difficultés subis en des conjonctures adverses, le Marron gardait une jeunesse surprenante. Les fameux généraux, d’en face et d’à côté, emmerdaient tout le monde. A cause de l’on ne sait quelle autocensure stupide, on n’en parlait pas. Une bizarre peur maladive s’emparait des lèvres et de la poitrine ! L’histoire, toutefois, se charge toujours de rendre justice, au moment le moins attendu.

Tous ces dérangés, civils et militaires, qui pactisèrent joyeusement avec le diable, invoquaient, aussi, régulièrement, « Dessalines, Christophe, Pétion, Louverture, etc. etc. ». Or, l’écolier le plus paresseux sait que ces cavaliers métalliques décapiteraient, au pluriel, cette masse crasseuse de politiciens, sans maman certainement, ainsi que toute leur famille, réelle ou en location. Chaque fois qu’ils évoquaient un de ces héros, c’était pour le plaisir de l’Ambassade américaine d’abord, et ensuite pour les nouvelles métropoles, agissant conjointement sous commandement du Département d’Etat et ses officines incroyables. Croyez-vous qu’au Nicaragua, on vendrait le pays pour cinquante centimes en vociférant « sandinistamente » ? Eh bien, là où je suis né, on l’a fait « charlemagnepéraltement », pour prendre le soin de cracher sur le cadavre de celui qui symbolisa une forme de résistance, à un moment crucial. Les marines l’exécutèrent, les employés indigènes de l’ambassade américaine lui administrèrent le coup de grâce, quelques décennies plus tard.

Celui qui crut tout pouvoir privatiser, ne parvint-il pas à « privatiser » le séisme ? Malgré la présence soutenue des pirates aguerris de Washington, de Santo Domingo et d’ailleurs, à la tête de leur flotte structurée…Doublés et roulés, ils jasèrent, nos hommes, sur les scandales financiers provoqués par certaines ONG. On évita, bien entendu, et on évite cela pour quelques longues années, semble-t-il, d’aborder la nature des alliances tactiques entre plusieurs tribus, d’ici et d’ailleurs, pour profiter du séisme.

Les généraux de la dernière armée emmerdaient, aussi, tout le monde. En plus d’être dérangés, comme leurs associés, les politiciens civils, ils ressemblaient à des soldats de plastique, déraillés, qui réduisaient l’échiquier international à leur minuscule Champ de Mars. Une brillante éminence grise déclara au monde que vous étiez devenus une armée de fous. L’article 28 de la constitution de 1805 auquel vous fîtes allusion est un chef-d’œuvre de démence anachronique : « Au premier coup de canon d’alarme, les villes disparaissent et la nation est debout ». D’ailleurs, en ce temps-là il y avait des villes naissantes. Votre régime et ceux de vos compères les ont transformées en bidonvilles !

Une armée dont la devise réelle était devenue « j’y suis, je m’en fous », à la hiérarchie constamment inversée, cela n’existe pas. Il faut s’en aller. Destination : tu passeras comme les autres et, au-delà de ta saison, tu ne seras pas le dernier exilé. D’ailleurs, vous avez eu pratiquement de longues années pour préparer vos valises, si l’on prend comme point de départ cette chaude matinée lorsque des petits soldats ficelèrent des officiers supérieurs et les déposèrent, sains et saufs, en caleçon, au Grand Quartier général. Plutôt compliqué à expliquer, mais facile à comprendre : c’était la fin de la première mi-temps, avec de sérieux penalties contre le caciquisme, le copinisme et le bacouloutisme dans l’institution militaire. La deuxième mi-temps, arbitrée par le sponsor principal et donneur d’ordres, censeur et directeur des consciences, carrières et fournitures, vous sera fatale. On ne fusille pas un ministre de justice, parce qu’il fit allusion, très verbalement, à « la séparation de l’armée et de la police ». Il fallait, tout simplement le décorer ; lui donner l’occasion de faire un très beau discours et mille interviews, au pays où la langue française permet, à chaque instant de comparer ce qui est écrit dans Dalloz et l’humeur contrariante d’un dérangé, siégeant dans un trou-à-rats que nous appelons « tribunal ». Evidemment, on verra après un pouvoir civil, déchaîné dans la bêtise, procéder, en pleine vente signature, à l’arrestation d’un ancien général et ancien président de la république. Entre-temps, ce « livre noir de l’insécurité », toutes proportions respectées, devint un best-seller.

La vraie vie, qui se moque de tous les marronnages, implacable et impeccable dans ses démonstrations, est en train de nous prouver, qu’en moins de vingt ans, cette police récemment créée, pressurée de toutes parts, face aux explosives urgences et défis sociaux, se transformera, un beau soir ou un chaud matin, en force armée, avec toute la brutale célérité d’efficacité violente que cachent ces deux mots : Forces Armées ! Mon général, face à l’irréversibilité thermo-dynamite de la question, je me suis rééduqué : dès que je vois un inspecteur-général de la police, je le traite comme un général des forces armées ; un inspecteur ou un commissaire divisionnaire, je l’appelle général de division. S’il m’arrive de regarder à la télé le directeur général, je le salue comme major-général. Comprenez-vous, le problème n’est pas une question de police ou d’armée. C’est une population aux abois, prisonnière d’une race de dérangés, disposés à importer, pour le plaisir d’un garde-à-vous, Adolf Eichmann et tous ses camarades.

Hier soir, justement, je pensais à vous, mon général. Dans votre histoire et celles de vos soldats, vous seriez donc d’innocentes victimes collatérales d’une saison adverse ; elle-même emportée par un mauvais temps sauvage, suivi d’un sophistiqué vent, viré à reprogrammer aux prochaines intempéries, car il y en aura…

HIVER

Là où je vis, l’après-midi de ce deuxième jeudi d’octobre débuta, drôlement. En contrebasse féroce, le plus imposant de ces réseaux dits « sociaux », mais qui aident d’abord les sociétés à se défaire. Le quartier frappa mon attention. Il y a quelques années, entre illustres, un commandant de l’ancienne Garde présidentielle et pas trop loin, le chef de la police secrète y résidaient. Un personnage profondément étrange, ce monsieur, chef des détectifs civils, surnommé « chapeau de laine ». Assis à l’arrière de sa voiture, conduite par un chauffeur, sans aide de camp, il lisait la Bible. On racontait qu’il présidait les séances de torture, en lisant des psaumes. Ironie de nos choses, une mulâtresse de choc, à peine installée comme première dame, exigea son limogeage.

Au développement des titres, sur toutes les radios, presqu’à la même heure : « ébats sexuels en plein jour entre une lycéenne de 14 ans et un homme de 48 ans. Le dossier est transféré au parquet, suite à l’arrestation du monsieur-zokiki, etc. etc. ». Ce soir-là, le film du jour, c’était sur FB, un individu nu et menotté, et la lycéenne en uniforme, un tissu sur le visage. En observant, calmement, le profil physique de la demoiselle, on finissait par s’interroger sur ce que nous appelons, très abusivement, « déclaration tardive » de naissance… Contrairement à la législation, aux vœux des Nations-Unis et à ce qui est souhaité dans les séminaires, il s’agit d’une pratique consentante, généralement acceptée et encouragée. Il y a environ une dizaine d’années, le président de l’association des assurances déclarait, « seulement 40% de la population détient un acte de naissance ». Pour bien comprendre le bluff, il faut saisir ces détails ! Ce premier pas vous amènera vers les titres de propriétés incorrects et enfin, vous découvrirez un Etat, amoureux d’un « système », lequel encourage le crime social, en pénalisant le citoyen au cours de toute son existence. Même lorsque cet Etat le bouscule vers l’exil économique, il s’arrange toujours pour en profiter à travers des mécanismes d’une incroyable fourberie. C’est peut-être pourquoi, au lieu d’être constamment en rébellion, nous préférons le marronnage ! Imaginer toutes sortes de tentatives pour contourner d’atroces réalités, en apportant de la crème à la glace aux requins, armés de doubles mâchoires. Le nationalisme crasseux,au quotidien, au cours de l’histoire, a fait beaucoup plus de dégâts que tous les « ismes » rachitiques jusqu’ici connus. Nos « âneries » sont à la fois écœurantes et fantastiques.

Pendant soixante-douze longues pleines heures, la ville, le pays, tout le monde s’érigea en tribunal pontifical. L’individu a besoin d’internement psychiatrique ou doit rester le reste-de-sa-vie en prison. Là où je vis, cette relation, consentante ou pas, est malicieusement qualifiée de zokiki. Chronologiquement, il s’inscrit après le tisourit. Le premier serait une sorte de « détournement de mineur » et le second, spectacle dansant de la même catégorie d’âge, sans vêtement, autrement dit, du « strip-tease » juvénile. En bon compagnonnage avec l’ère de la démocratie implosée, ces manifestations coïncident, depuis presque vingt cinq ans, avec la précarité économique renforcée, le populisme pseudo-égalitaire et une large série de libéralités descendantes faisant l’apologie à outrance des vertus horizontales.

Avec beaucoup de prudence, je commentai l’évènement dans mon entourage, pour éviter toute intention de lapidation catholique d’abord, salivaire ensuite. Il y eut mille explications et un million de rumeurs ; la justice et la société prirent du temps pour comprendre ce que j’avais compris à mon premier clin d’œil des scènes de l’arrestation, hautement distribuée sur l’internet. Comme on dit, traditionnellement, là où je vis, c’était une affaire de couple, entre « monsieur et madame ». Et le reste, l’intrusion voyeuriste d’une société qui ne comprend pas encore qu’elle est bien « finie », sans métaphore…en cette saison, où les écoliers laissaient leur domicile à l’aube pour y retourner bien après le crépuscule. Combien de grossesses prématurées et autres dégâts, avec comme prétextes connus, le blocus et l’infernale circulation automobile, dans une région métropolitaine non préparée pour supporter plus de trois millions de citoyens. Depuis déjà presque trois décennies, parmi les bordels notoires de la république, l’école et l’université occupent une place, disons « respectable »… La prostitution par le haut avait tout simplement entraîné, le sacrifice, d’au moins, deux générations. Le je-m’en-foutisme populiste, le séisme et les accidents de taxi-moto se chargeront de mutiler une bonne partie des survivants. Le sexe à bon marché, c’était donc un programme de gouvernement, pour soulager tout le monde !

APRÈS LA TEMPÊTE, TOUTES LES SAISONS SE RESSEMBLENT…

Ailleurs, on parle de quatre saisons. Là où je vis, il y en a toujours eu deux : lorsque le président se fâche, et lorsqu’il s’estime « cœur content ». La mauvaise humeur du chef de l’Etat se manifeste, généralement, après une complexe période d’incubation. Sa métamorphose dépendra de son niveau de maîtrise de l’explosive fonction. En bas, quel que soit le qualificatif collé au régime, le béton capte rapidement la météorologie caractérielle de « Son Excellence » : hier fusillade, aujourd’hui « insécurité » ; révocations, nominations inattendues, remarquables bouleversements dans l’administration publique…

Les échos, la trace et l’impact de la tension artérielle du pouvoir se font sentir dans chaque foyer, surtout à la capitale. Je me rappelle ce vendredi d’avril 1970, lorsqu’un colonel des Garde-côtes entra en rébellion contre le « chef suprême et effectif des forces armées», maître suprême aussi des vies et des biens sur toute l’étendue du territoire. Les parents vinrent chercher, plus tôt que prévu, les enfants à l’école. Dans la soirée, il y eut couvre-feu. Et, il n’y eut pas une lueur de bougie dans les maisons…Seul l’éclairage public fonctionnait.

Un an après, le cœur de ce président s’arrêta. Difficile de savoir, jusqu’à présent, s’il décéda le « cœur content » ou s’il s’était fâché, à la dernière minute. On racontait que le comportement décisif de ce colonel avait sérieusement troublé ce qui restait de santé au président, qui avait déjà enlevé, depuis longtemps, de son vocabulaire le mot « sommeil », ainsi que le verbe « dormir ». A l’occasion de ce décès, un tas de gens qui n’avait aucun rapport avec la famille présidentielle, le pouvoir ou le gouvernement, s’habillèrent en noir. Ce deuil, qui certainement atteignit le morceau de soleil et de lune correspondants au territoire, dura de longs mois, car le fils du « tigre succéda au tigre »…

Très jeune, trop jeune, on m’avait appris à regarder nos trois principaux quotidiens. Les hommages paraissaient éternels à l’égard de l’illustre disparu. C’était une sorte de compétition de couronnes. Les unes étaient plus riches que les autres.

D’autres pays d’Amérique connurent, vers la même époque, un régime à la même démarche policière. Entre-temps, leurs structures sociales et économiques étant profondément différentes des nôtres, ils ont divorcé avec les pratiques dictatoriales et nous les voyons, chaque jour, défiler dans nos rues, enseignant la démocratie, à chaque carrefour. Evidemment, cet enseignement évolue selon les ordres des principales capitales, fortement impliquées dans l’aventure démocratisante, au pays où les nègres bouffent d’autres nègres, le «cœur content »…

Nos saisons paraissent bloquées. Les gouvernements qui se croyaient d’opposition se sont rapidement transformés en fidèles photocopieurs du modèle, antérieurement combattu et joyeusement imité, une fois bien installés au pouvoir. Dans cette ambiance, profitable, on-ne-peut-plus, l’international, aussi, joue double jeu.

Un beau matin, nous nous sommes trouvés face aux héritiers et rentiers de l’ancienne dictature. Celle qui avait remporté le premier prix de la « joie de vivre » et de « vive la différence », dans la troublante statistique des cimetières et cadavres introuvables. Par l’on ne sait quel mystère du calendrier, leurs réflexes bizarres sont restés intacts. Si une instance quelconque osait faire allusion aux crimes de jadis, « on » la menaçait de l’imminente matérialisation d’une « guerre civile ». En ces moments de grandiloquence stupide, tout le monde oubliait que nous vivons sous un régime de guerre civile latente, depuis au moins deux siècles.

Ce système avait tant de succès que les intérêts étrangers, associés à des conjonctures diverses, prennent régulièrement la précaution de se cacher derrière l’homme ou la femme « forte » de l’heure… Pour mille raisons, appelons-les des « Ziada Takieddina ». Elles contrôlent l’agenda du palais, de la présidence et des ministères. Qui ose ne pas « plaire », glisse et tombe en disgrâce, momentanée ou définitive ! Si le vrai « Ziad » s’occupe de l’armement et des provisions pour l’arsenal, la gestion ponctuelle des chéquiers fait généralement partie de la sphère de Ziada. Bizarrement, tous les organismes, successivement chargés des programmes d’alphabétisation, échouèrent. Y compris celui de l’apostolique église catholique, pendant longtemps très romaine quant à sa fidélité envers la dictature.

Dans un premier temps, le régime fusilla et fit fusiller ; en deuxième mi-temps, longue, le pouvoir s’arrangea pour disposer d’un attaché, un défectif ou un espion dans chaque famille. Par l’on ne sait quelle malédiction du calendrier, les héritiers, prétendus généralement, petits-fils, rentiers et simples fanatiques crurent que c’était bon et décidèrent de le renouveler. Nous étions retournés, au-delà des saisons raisonnables, vers la même époque, lorsqu’un ministre d’Etat enragé, menaça : « La présidence à vie n’est pas négociable ».

En vérité, ils sont exceptionnellement rares et paraissent étranges, ceux qui ne sont pas tentés, dans notre faune de toujours, par une forme quelconque de « présidence à vie ». Evitez de vous référer aux vœux constitutionnels. La vraie politique et l’exercice du pouvoir ont prouvé que chacun pratique une utilisation partielle (et parcellaire…) du petit morceau de constitution qui lui convient.

Par l’on ne sait quel caprice, télécommandé ou suggéré, du calendrier, après l’ère-encouragée- des coups d’Etat avec bruits de bottes et communiqués lus au Quartier général de l’armée, les coups d’Etat électoraux s’installèrent dans nos mœurs. Dans une société, partout viciée, bien ficelée par la communauté internationale, la classe politicienne formatée par les ambassades de toujours, imposa des civils, aussi armés et dangereux que nos pires militaires.

Une constante, donc, incontournable dans l’histoire de nos saisons : les mouvements liés aux stocks de l’arsenal du pouvoir. En 1991, d’après les rumeurs, généralement épaisses, on rapportait que les colonels de l’heure refusèrent certains calibres, aux agents de la sécurité d’un président, fraîchement installé, et qui effrayait le système. Des années après, malgré tout ce qui avait été dit, supposément fait et promis ; malgré les cascades pro-démocratisantes, la capitale et le pays se réveillèrent, toutes préoccupations avalées, sur un sophistiqué dossier autour d’un stock appréciable de Galils.

Cette respectable arme, à l’origine israélienne, à l’indiscutable supériorité de feu, était surtout associée, ainsi que le FAL et le M16, au bataillon tactique des Casernes, dissous en 1989. Au cours de la sinistre conjoncture 1991–1994, se procurer de ces canons, munis de leur long chargeur, dépendait uniquement de l’épaisseur du portefeuille de l’acquéreur… Officiellement, l’autorité d’alors n’accordait pas de permis pour ce genre de fusil, classé « arme de guerre ». Mais, la plupart des utilisateurs étaient des proches ou des intimes du régime…

Au « royaume » de notre monde, l’imaginaire n’est jamais en panne. Lorsque l’autorité affirme qu’elle « recherche activement » un suspect, dans la majorité des cas, cette même autorité protège jalousement ce suspect, ou tout simplement, a déjà organisé son exfiltration. L’exemple le plus célèbre reste celui d’un illustre candidat aux présidentielles de 1957. Son nom avait été activement cité dans plusieurs explosions meurtrières de bombes. Comme tout le monde le sut, par la suite, ce candidat était confortablement hébergé en la résidence privée du chef de la police, en ce temps-là…

Au temps des combinaisons démocratisantes, le brouillage médiatique facilite le débarquement des « uns » ou, l’embarquement des « autres »… Quant au simple citoyen, sourire aux lèvres, il fait toujours croire aux uns et aux autres que les extraterrestres savent toujours où déposer le riz, le sac du riz et la chaudière qu’on utilisera pour cuire ce riz ! Le béton étant éternellement chaud, pas besoin de réchaud, au pays où toutes saisons se ressemblent.

Du même au pareil et vice versa, le désarmement ressemble aux campagnes d’alphabétisation. Sur chaque semi-analphabète récupéré, dix nouveaux apparaissent… Notre capitale a connu de longues saisons de sérénade balistique. Nous nous rappelons la veille des élections avortées d’un lointain dimanche de novembre, entre autres. A noter pour l’histoire, les propos musclés d’un président particulier, un jour d’août de l’année 2006. Face aux caméras, il déclara à des turbulents, hyperactifs dans la propagation des forfaits, « vous remettez vos armes ou la mort se charge de vous »…

Au-delà des statistiques peu fiables, le simple citoyen s’est toujours interrogé sur la complaisance des uns et des autres, sur ce qui représente, depuis la restauration de la mystification démocratique, un commerce qui échappe, semble-t-il, à la vigilance des meilleures polices du monde, toutes présentes, depuis plusieurs saisons, sur le territoire.

Sans faire de bruit, le poète vient de publier, aux Éditions « Les Papiers volcaniques », un travail sulfureux : « Cessons d’être ! ». Les repères étant, là où je vis, démoniaques, mains à la mâchoire, nous avons applaudi…

Initié aux questions infernales par Lucifer en personne, notre poète est à l’avant-garde de tout y compris le néant.

Il nous a initiés à la promenade des ombres. Des ombres sinistres…

Le souffre transpire à chaque page !

Et, tous les squelettes de tous les placards de politiciens applaudirent aussi, en silence !

La suite, un grand chapitre de filouterie ésotérique et cannibalisante…

Il s’agit d’une problématique complexe, laquelle ne sied pas dans le contenu programmatique de notre quête de performances ultra-dynamiques.

Nous avons hérité d’un pays en ruines, et face aux décombres nous n’avions pas le choix. Il fallait construire du solide durable. Et, comme vous le voyez, je personnifie la durabilité au-delà des statistiques spécialisées !

Un et un ne font pas forcément deux ; même lorsque deux bons, comme vous et moi, font bonbons ! Est-ce pourquoi, dès qu’un moins un ose se manifester, je le balance en enfer comme un zéro.

Evidemment, des gens incroyablement organisés, comme vous et moi, font des merveilles en alignant des zéros ! Ironie des édifiantes choses intrigantes, comment avez-vous pu savoir que vous pouviez compter sur un leader de mon extraordinaire dimension ?

Et depuis, faut avouer que cela marche entre vous et moi, et pour quelques uns des miens. Les autres, ils passent à la caisse et en peu de temps, nous sommes-vous et moi, évidemment !-devenus une « grande caisse ».

C’est de la démocratie déclarée et, notre plus cher projet intime, serait de la transporter au ciel…

« DE OPPRESO LIBER »: EL GALLO de QUITO…

C’était une terrifiante saison. Le choc des passions et des manipulations endeuillait, avec une méchanceté inouïe…

Le Quotidien central1, publication à caractère historique, nous a permis de reconstituer le profil d’un des protagonistes. Dans la singulière hiérarchie, il commandait directement la troupe.

« […]

Au début du XXIème siècle, un groupe d’anciens membres des forces de l’ordre, connu sous le nom d’ « Équatoriens » (officiers ayant reçu une formation à Quito, en Équateur, bénéficiant de relations étroites avec les États-Unis) ont démontré comment l’influence étatsunienne sur les forces de sécurité, loin de les réformer, a produit l’effet inverse. A la fin de l’année 2000, ce groupe a lancé une guerre d’usure paramilitaire sur le pays.

Lourdement armés, ces terroristes ont envahi le pays depuis le territoire voisin. Il y a des preuves concluantes qu’ils ont été entraînés, financés et armés par Washington. Ils sont équipés de fusils d’assaut M-16, de lance-grenades et d’autres armes provenant de stocks destinés à l’origine à l’armée du territoire voisin.

[…]

Tôt dans la journée, l’ancien chef rebelle, L’Equatorien, accompagné de plusieurs de ses frères d’armes, en tenue militaire, a attiré la grande foule. Il a été ovationné par des fanatiques, surpris par sa visite inattendue. Quelques heures après, l’ancien commissaire a rejoint les anciens militaires du Nord dans leur camp, pour une tournée au centre-ville qui s’est transformée en manifestation de soutien à l’armée, à L’Equatorien et au président de la République. Circulant à bord des pick-up, saluant de la main partisans, sympathisants et curieux, l’Equatorien et sa troupe ont été acclamés par des milliers de personnes réclamant le retour illico des Forces Armées. « C’est notre identité comme peuple…C’est notre fierté », criaient à tue-tête des jeunes accompagnant les anciens militaires. « Je suis ici pour demander à nos ancêtres de parler à nos dirigeants pour qu’ils entendent la raison…pour qu’ils entendent la voix du peuple qui ne cesse de réclamer le retour des Forces Armées », a martelé L’Equatorien sous les vivats de la foule. « Il est temps que l’ONU quitte le pays! Nous en avons assez de cette force d’occupation! » a-t-il scandé. L’ancien commissaire a, d’autre part, lancé un appel à la réconciliation nationale, estimant “ qu’on ne doit plus s’entre-déchirer” pour le plaisir du “Blanc”. La foule a, par la suite, “pris d’assaut” le campement des ex-militaires, malgré l’opposition farouche de ces derniers, pour manifester leur admiration et leur enthousiasme à ceux qu’ils qualifient “ de gardiens de la souveraineté nationale”. La marche prévue dans l’après-midi par les ex-militaires a été purement et simplement annulée, évitant ainsi des affrontements avec d’autres secteurs… […] »

« […]

Alors que des agents de la Drug Enforcement Administration (DEA) et de la Brigade contre le Trafic des Stupéfiants ont mené sans succès l’opération, mardi, en vue d’arrêter L’Equatorien, ce dernier annonce sa candidature aux prochaines élections sénatoriales et dit circuler en toute liberté à travers le pays.
Comme pour lancer un défi à ses poursuivants, l’ancien homme fort, aussi connu comme, « El Gallo de Quito », clame « Ces hommes là ne font pas peur …Je me considère déjà en campagne pour les prochaines élections »… Il a qualifié d’illégales ces opérations qui vont à l’encontre de la législation nationale.
Selon lui, l’accord signé entre un gouvernement passé et les Etats-Unis d’Amérique autorisait la DEA à mener des opérations seulement dans les eaux et dans l’espace aérien, mais il n’a jamais été question de l’espace terrestre, souligne-il.
Il affirme avoir déjà écrit au ministre de la Justice, pour savoir les mobiles de ces opérations. Des démarches qui jusqu’à cette date sont restées lettre morte. « El Gallo de Quito » en profite pour critiquer le mutisme des organisations des droits humains, du secteur universitaire et de la classe politique sur ces actions et leurs auteurs qui, selon lui, ne font que violer la souveraineté nationale. […] » …

« Alors que l’économie réelle a été poussée à la banqueroute sous le choc des réformes du FMI, le commerce du transbordement des narcotiques continue à être florissant. Selon la DEA (Drug Enforcement Agency) américaine, le pays reste « le premier de transbordement de la drogue pour toute la région des Caraïbes, il achemine d’importants chargements de cocaïne depuis la Colombie jusqu’aux Etats-Unis. » On estimait, à un moment donné, que les côtes supervisaient, au moins, 14 pour cent de toutes les entrées de cocaïne aux Etats-Unis, ce qui représente des milliards de dollars de revenus pour le crime organisé et les institutions financières américaines qui blanchissent des quantités colossales d’argent sale.

Une grande partie de ces transbordements va directement à Miami, qui constitue également un centre de recyclage de l’argent sale en investissements « de bonne foi », par exemple, en propriétés immobilières et autres activités du même genre.

Les preuves confirment que la CIA a protégé ce commerce tout au long de la dictature militaire, de 1991 à 1994. En 1987, le sénateur John Kerry, en sa qualité de président de la sous-commission sénatoriale des Affaires étrangères sur les narcotiques, le terrorisme et les opérations internationales, se vit confier une enquête importante qui s’intéressa de près aux liens entre la CIA et le trafic de drogue, y compris le blanchiment de l’argent de la drogue aux fins de financer des insurrections armées. Le « Rapport Kerry », publié en 1989 et concentrant son attention sur le financement des contras nicaraguayens, comprenait aussi toute une section concernant certains chefs… […] ».

LE PRINTEMPS DES EQUATORIENS : « UN POUR TOUS et TOUS POUR UN »

Dans l’inexplicable calendrier historique de nos tempêtes, le long printemps des équatoriens dura exceptionnellement. Au milieu de fortes averses, ces flics aguerris semblaient disposer à la fois d’une supériorité opérationnelle et du jamais vu dans l’efficacité de la formation. Un commandant équatorien valait, au moins, dix agents.

Pendant de longues semaines après le triomphe de la « révolution », l’Equatorien fut traité comme héros, idole, référence stratégico-militaire, génie providentiel, libérateur, etc. Il était à la radio, en première page, en permanence sur le petit écran, l’invité par excellence, etc. Au milieu de la trentaine, il annonça la rédaction de ses mémoires et l’on s’attendait à voir défiler les meilleurs agents littéraires pour la publication du premier vrai best-seller de notre littérature héroïque, politique, fantastique, avec l’original titre L’épopée des Chats Marrons, etc. Point !

Lorsque les flics américains firent, à la grande surprise nationale, leur première promenade musclée dans le voisinage du « Gallo de Quito », l’on cria à l’injustice et à la persécution politique. Quelques semaines après la troisième randonnée avec impressionnant support aérien, l’on se rappela une bizarre interview d’un ministre peu bavard, sur les dossiers de justice et de police : « […] mon frère, je suis disposé à t’aider pour trouver un bon avocat, car ces gens qui te poursuivent, disposent de moyens efficaces et effrayants. Ton dossier a un parfum de polichinelle. Ils conduisent leurs enquêtes lentement mais sûrement. Fini le temps des feintes et des provocations. Tu sais, mon petit frère, il faut pas continuer à faire fâcher notre grand frère […] ».

Les uns crurent qu’il s’agissait d’une confrontation pré-électorale, puisque ce ministre et l’Equatorien se partageraient la même clientèle, pour les prochaines sénatoriales. Mais ceux qui étaient au parfum de l’humeur présidentielle avancèrent qu’il était plutôt question du premier couplet d’un « adiós muchacho », adressé sur les ondes, à un ancien « compañero », lequel croyait, peut-être, avoir gagné pour la vie, l’estime de Son Excellence, pour avoir contribué, grandiosamente, lors des présidentielles…

Entre-temps, cette prodigieuse cavale, d’un combattant absolument singulier, entrait dans sa dixième année, consolidée par des volte-face de la police narcotique impériale, d’une étrange complexité mystérieuse… Un constat, toutefois, l’aura médiatique, en dix ans, avait considérablement diminué. Quelques rares stations diffusaient les déclarations du « Gallo »… Il n’avait plus la même place dans l’agenda, ni les préoccupations du simple citoyen… Quelle était, dès le début de son aventure, sa place réelle dans l’agenda des vrais sponsors d’une « révolution », vieille de dix ans, et qui avait causé beaucoup plus de dégâts qu’autre chose ? …

Au pays le plus inégalitaire dans les Amériques, en ce début de XXIème siècle, voici une « révolution », dirigée par des dérangés de la lutte antisubversive, des miliciens d’extrême droite, des hommes d’affaires sulfureux, tous brevetés dans une succursale quelconque de l’Ecole des Amériques ou de ces nombreux séminaires patronnés par les successeurs de l’Alliance pour le Progrès… Difficile d’établir la différence entre, d’un côté, des officiers d’escadrons de la mort, des investisseurs, grands spécialistes de la filouterie fiscale, sponsors patentés de régimes politiques inqualifiables, et de l’autre, l’aile dite de gauche, accouchée par l’une des intempestives césariennes de ce que l’on qualifiait de « politique américaine »…

« El Gallo de Quito » aurait-il accordé trop d’interviews, glissant inconsciemment des indiscrétions qui firent sursauter sponsors, alliés et ex-patrons ? Etait-il devenu, sans le savoir, une nouvelle cible, stupide victime imprudente, d’un système qui ne fait de cadeau ? Dix ans après la « révolution », les interrogations s’amplifiaient, considérablement.

Le fameux dossier reproché aux équatoriens remontait à la dernière année du XXème siècle. A voix basse, on racontait qu’ils auraient modifié le plan de vol d’un engin aérien, sans en faire part à la hiérarchie. Dans la presse, c’est-à-dire, à haute voix, on insistait plutôt sur les conséquences, lesquelles déclenchèrent des représailles du côté de la légitimité policière impériale… L’affaire était et continue d’être grave.

L’Exécutif d’alors, jugea prudent, d’opérer de sérieux changements dans les forces de l’ordre, surtout parmi ceux qui furent formés en Equateur et, aussi, tous les subalternes proches des « équatoriens ». Cette attitude, intelligemment timorée, du pouvoir politique, et la surprenante solidarité des indexés — une grande première dans nos annales — firent d’abord naître, la légende. Lorsque par suite, « El Gallo » prit la tête des groupes armés de ce qui sera « la révolution », le long printemps des équatoriens s’installait dans notre Histoire.

Cette dramatique bousculade, au sommet de l’Etat, entre bandes lourdement armées, était-elle une « rébellion », une « révolte », une « conspiration » ou un long accrochage –encore vivace, une décennie plus tard…– entre gangs rivaux ou concurrents jaloux ? Seuls les flics américains semblaient détenir certaines réponses…

COMBAT de COQS dans la CARAIBE…

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« […]

Le retour à un gouvernement constitutionnel est négocié en secret avec les créanciers du pays avant le retour du « Gallo del pueblo » en octobre 1994 pour la fin de son premier mandat. L’argent neuf avancé par la Banque mondiale, le FMI et la Banque interaméricaine de développement ne sert alors qu’à permettre de rencontrer les obligations avec les créanciers étrangers. […].

À peine deux semaines avant les élections présidentielles de 2000 — qui vont marquer le retour du « Gallo del pueblo », alias « Gallo #1 », leader politique civil, au pouvoir pour un deuxième mandat — alors que les États-Unis ont instauré un embargo sur l’aide, le gouvernement sortant signe une ’Lettre d’intention’ avec le FMI. […].

Les élections parlementaires et locales de mai 2000 ont donné lieu à une fraude assez incroyable : le but n’était pas de gagner les élections mais de remporter tous les postes. Les observateurs internationaux n’ont pas vu grand chose, car l’essentiel de la fraude a eu lieu après le vote. Bourrage des urnes, modifications des procès-verbaux, intimidation des protestataires, tout fut bon pour obtenir le résultat escompté. Les militants du parti du « Gallo #1 » avaient reçu des armes en grand nombre pour l’occasion. Et lorsqu’ils n’étaient pas assez nombreux, la police fut mise à contribution. Le président du Collège électoral refusa de signer le procès-verbal et jugea plus prudent de s’exiler lorsque le « Gallo del pueblo » lui dit au téléphone que “ c’était une question de vie et de mort “. L’Organisation des États américains (OEA) resta néanmoins sourde aux plaintes émises par l’opposition et se concentra sur un problème secondaire concernant quelques sénateurs. Il en résulta une longue crise politique. L’OEA multiplia les missions pour essayer d’aboutir à une négociation entre le pouvoir et l’opposition. Mais elle faisait surtout des reproches à l’opposition, accusée de se montrer trop intransigeante. L’incendie de ses locaux en 2001 encouragea cette dernière dans l’idée que de nouvelles élections seraient impossibles tant que des bandes armées à la solde du pouvoir pourraient agir librement.

[…]

En février 2003, Washington nomme un nouvel ambassadeur. En 1999, ce même diplomate était l’envoyé du Département d’État américain au Kosovo. Il œuvra à rendre « respectable » l’Armée de libération du Kosovo […] ».

Mais le véritable dossier qui devait renverser, pour une seconde fois, la chaise du « Gallo #1 », c’était le gros débat avec la métropole, autour de la restitution et de la réparation… En effet, « De son point de vue, la France qui a pompé les ressources en imposant cette «redevance sur l’indépendance» durant de nombreuses années, aurait donc une grande responsabilité dans les difficultés auxquelles son pays a été historiquement confronté, qui sont à l’origine de la situation économique désastreuse dans laquelle il se trouve aujourd’hui. Cela justifierait donc la demande du président d’obtenir des réparations à hauteur de 21,7 milliards de dollars américains. Ce montant correspondrait à la valeur réactualisée de la somme versée par l’ancienne colonie au XIXe siècle. Concernant le thème des réparations, « El Gallo del pueblo » se place dans la même perspective que les Noirs américains qui réclament à l’Etat fédéral des indemnisations pour les préjudices subis par leurs ancêtres esclaves et les conséquences de la traite sur leur niveau socio-économique actuel inférieur à celui des Blancs. Un combat difficile à mener mais terriblement rassembleur pour les membres d’une communauté ».

Au XIXème siècle, quelques années à peine après l’indépendance, le général-président à vie, maitre de toute l’ile, ne comprenait rien à l’envers de la bourse, de la banque, de l’humeur des banquiers, du tempérament des financiers de l’ancienne métropole. Il se trouva lui-même ficelé en ficelant, aussi, les générations à venir, par une colossale double-dette. Deux siècles plus tard, profitant de l’étroitesse d’esprit des intellectuels, d’abord, et de toute la classe politique, ensuite, l’ancienne métropole se montra favorable à l’organisation d’un mini génocide, pour « l’honneur »… Car, il fallait envoyer une réponse tranchante à ce turbulent président –ayant un coq symbole politique– et ses gesticulations oratoires, autour d’une prétendue « restitution-réparation ». N’étions-nous pas, justement, à cet étrange carrefour des relations internationales où la respectabilité des « grands » cachait un parfum de frime, de farine et de brigandage. Ah oui, un parfum de farine… Au sens propre et figuré !

L’autre coq, pour avoir bien détruit, au cours de cette révolution, qui stabilisa une pensée unique rétrograde, fut élevé au rang de « héros »… Dix ans plus tard, il devenait un richissime fugitif, dormant dans les bois, survivant politiquement entre un montage d’interview préenregistré et une interview à la sauvette. La première fois qu’on prononça son nom en majuscule, d’importants changements survinrent dans l’état-major, particulièrement chez ceux qui étaient proches ou dans le premier cercle présidentiel. Cinq ans après, lorsqu’il s’imposa à la tête des bandes armées de ce qu’ils qualifièrent de « révolution », c’était l’effondrement : « […]Le nouveau régime a annoncé avoir décidé de révoquer 120 hauts gradés, accusés de promotions irrégulières ou de non-respect de leur déontologie, et d’interdire à 24 ex-ministres de quitter le territoire. La révocation de 120 hauts gradés, représente la plus importante mesure d’épuration prise dans l’histoire de la police.
[…]
14 inspecteurs généraux, 11 commissaires divisionnaires, 28 commissaires principaux, 41 commissaires de police, 2 inspecteurs divisionnaires, 13 inspecteurs principaux et 11 chargés de mission, figurent dans la liste des révoqués ».

Dix ans s’écoulèrent depuis cette purge mémorable. Avec le temps, les changements se complexifiaient. Dans les entretiens avec les enquêteurs délégués par le tuteur principal, le flicage financier primait. Et, la rue répétait sans cesse, « transferts, révocations, mises en isolement se faisaient sur stricte recommandation de la D.E.A. » La société évoluait… Vingt-cinq ans en arrière, lorsqu’on mentionna le nom d’un seul officier de l’armée, fortement soupçonné dans la gestion financière des atterrissages nocturnes, une bonne partie de la collectivité plongea dans de profondes réflexions. Vers la même époque, le sort d’un certain Manuel Antonio Noriega éclaira ceux qui erraient encore dans le doute…

« EN TANT QUE DÉMOCRATES… »

Vers l’âge de dix ans, ma génération apprenait, en quatrième année de l’ancien cycle primaire, la grande amitié qui unissait Simón Bolívar et notre général-président, appelé par la suite « père du panaméricanisme »…

Le Vénézuela, « 33 fois notre superficie géographique », commença à prendre forme dans ma tête par une succession d’heureux hasards : au fond d’une armoire de la maison, il y avait une décoration Orden del Libertador ; par la suite, on me fit, aussi, lire un livre sur la vie du général Cipriano Castro. Rómulo Gallegos vint un peu plus tard, ainsi que le classique « labyrinthe » de García Márquez.

Un chef d’œuvre littéraire ne vous aide pas à résoudre, immédiatement, tous les problèmes. Sous une autre perspective, toutefois, certaines lectures vous facilitent une meilleure compréhension des cas, indiscutablement délicats. La dictature fut déplacée pour céder l’espace à des gendarmes, sensibles aux grosses coupures des petites enveloppes. Trente ans plus tard, nous ne savons pas combien de générations de spécialistes ont produit notre terroir ! Profondément florissant et cannibale…En effet, dans ces échanges d’une étonnante complexité géopolitique, nous sommes particuliers.

Le Fait vénézuélien est un événement unique, dans l’histoire nationale des vingt-cinq dernières années, douloureusement qualifiables, selon toute approche raisonnable. Le Fait vénézuélien sera déterminant dans notre survie collective, à court et moyen termes; même lorsque le leadership de nos politiciens n’a pas été à la hauteur du véritable compañerismo fraternel de l’illustre Comandante. Les jours, qui suivirent la disparition physique du Commandant, révélaient des pistes compliquées, pour comprendre l’arriération idéologique des élites, au pays où El Libertador se réfugia pour coudre son drapeau, repenser le combat, s’approvisionner en hommes, armes et munitions et partir, créer le Vénézuela, la Colombie, l’Equateur, le Pérou et la Bolivie.

Dès le primaire, les écoliers de ma génération avaient sur les lèvres les noms de Miranda et de Bolívar. En bons primaires, quelques grands bénéficiaires de largesses jugèrent bon de se taire, face aux microphones hyper médiatisés. Sans effort intellectuel, la rue, apparemment amorphe ne manqua pas de souligner d’étranges coïncidences entre les préoccupantes dégradations de la santé du Commandant et la lente formation de nuages sinistres sur la marche énergétique, la marche financière et la marche tout court, du pays des orphelins les plus drastiquement éprouvés.

Il est étonnant de constater que depuis presqu’une soixantaine d’années, les gouvernements prennent plaisir à décapiter d’entières générations scolarisées ; puis, brusquement, de prestigieux noms se mettent à défiler sur les lèvres inquiètes d’une jeunesse méprisée : Lázaro Cárdenas, Juan Domingo Perón, Salvador Allende. Fidel et Raúl Castro semblent appartenir, depuis toujours, à notre proximité quotidienne, définitivement familiale ! Toutefois, cette fois-ci, nous les regardions sous une nouvelle dimension.

L’argent de Bolívar payait les médecins cubains, au pays où la santé publique se privatisa, sans annonce officielle…

Le pétrole devenait à nos yeux une richesse explosive, aux enjeux sophistiqués. La solidarité réelle, aussi, avait un nom concret: Hugo Rafael Chavez Frías!

Depuis quelques années, considérant le niveau de dépendance complexe de là où je vis, je me fais le devoir de participer aux élections qui me concernent, même par ricochet. J’ai redéfini la « nationalité », l’essence du droit international et de l’Etat civil : j’ai un passeport affectif, un passeport alimentaire et un passeport politique. Le package constitue un « deal » complexe, envers mon explosive conscience compliquée.

Face à un colossal fourre-tout qualifié « d’administration publique »3, véritable cheptel contrôlé par le personnel politicien du moment, un observateur lucide se demanderait qu’est-ce qui fait tourner la machine économique de ce pays ? Le rachitique secteur privé officiel cache autant de mystifications que de disparités décevantes. Il consolide les inégalités historiques. Quant à la belle vitrine des organisations internationales, de plus en plus impénétrable et indéchiffrable… Le reste, c’est-à-dire le plus gros morceau, c’est :Vive le miracle de la survie au quotidien. Pasteurs et autres intervenants autorisés demandent régulièrement à l’Eternel, sa bienveillante intervention, pour permettre au « peuple de Dieu », d’honorer les factures. Pour ma génération, qui « répétait » en primaire, la république est un pays essentiellement agricole, le bluff a duré un certain temps, grâce à l’étrange combinaison de facteurs, apparemment inexplicables, et de l’audace non encore expliquée de quelques prestidigitateurs extraordinaires. Nos rentiers, civils et militaires, et leurs héritiers, ont créé des superstructures de blocage, lesquelles sont en train d’éclater face aux nouvelles réalités, qui méprisent, royalement, la grandiloquence pseudo-nationaliste.

« En tant que démocrates… », comme ils aiment le répéter à gorge déployée…

Entre-temps, le poids des urgences se complexifiait. En mai-juin, 2008… Troublante conjoncture, celle-là, lorsqu’une branche de l’Exécutif national venait de magouiller pour se débarrasser d’une autre branche, prétextant « émeutes de la faim ». Chavez rêvait d’un puissant ministère du logement, pour ce coin désastreux de la Caraïbe, et d’une superstructure équivalent à trois de nos ministères, pour l’alimentation. L’alimentation et le logement constituaient deux bombes à retardement pour n’importe quel gouvernement.

« En tant que démocrates », la facture bolivarienne est en route, à grande vitesse…

EL LIBERTADOR…

J’avais déjà ma vision et mon expérience concrètes des lieux de mémoire, dans les Amériques et en Europe, lorsqu’un dimanche après-midi, je mis les pieds sur l’escalier de l’illustre petite galerie de cette maisonnette du sud-est, patrimoine de l’humanité, où logea pendant quelque temps, El Libertador, au cours de son séjour opérationnel, sous nos cieux. Aspects tristes, négligés et sincèrement lamentables. Soulignons, qu’un espace monumental de cette dimension planétaire aurait dû recevoir, toute l’attention du pouvoir central…

Majestueux, face à la mer, la statue du Libertador de la capitale, en face de l’ambassade bolivarienne, semblait indifférente aux murmures des uns et aux lamentations des autres ! Face à la mer, on s’interrogeait pour savoir s’il ne la franchirait pas, dégouté, par le spectacle des turpides vicieuses de la politicaillerie de toujours… Il me rappelait le capitaine Prato, qui de sa tente du Bord de mer, savait avec une effrayante précision microscopique, Qui faisait quoi, avec l’aide détournée, dans chaque corridor. Entre nous, gens de la Caraïbe, qui comprennent vite les choses compliquées, un délicat sourire philosophique terminait la conversation… Nous avions toujours cru que la quincaillerie politicienne nationale s’intéressait uniquement à l’argent du Vénézuela, mais pas au pays vénézuélien, dans son éruptive complexité émancipatrice.

En quelques jours et sans grand effort, El Libertador, du haut de son cheval de l’avenue du Bicentenaire, entre un parlement bizarre et une ambassade américaine étrange, avait vite compris que l’intérêt solidaire qui se manifestait dans la poitrine de ses officiers, envers la République enguenillée, allait très au-delà des belles photos-souvenirs, généralement sans avenir, donc condamné à ne pas trouver d’écho consistant ou de vis-à-vis sérieux. Quelques jours après cette mémorable mission, les décideurs locaux firent publier une banale petite note-souvenir, au bas d’une page perdue, d’un de nos quotidiens. Le principal ministre bénéficiaire des containers, remplis d’aliments, tenait à conserver religieusement son visa américain et le permis de séjour d’à côté, au Canada, racontait-on… Enfin ! Et Hélas…

Souvent, la chaleur cédée n’a aucun rapport avec celle absorbée, lorsque l’agenda politique du moment efface les paramètres calorimétriques d’hier… Entre-temps, la démographie galopante se réorganise, l’habitat précaire se normalise, la myopie politicienne se généralise ! On disserte admirablement sur la construction des grands hôtels et du prochain train aérien, en oubliant le choléra, la multitude de chiens enragés qui vagabondent partout et un nouveau moustique dont la piqure provoque des complications mortelles. Nous sommes devenus une communauté bizarre. Lorsqu’une voiture s’arrête pour donner le passage aux piétons, un taxi-moto surgit pour les estropier. A bien observer notre histoire, on croirait que c’était écrit !

(Echos du fameux parlement…) :

–“[…], le président s’accroche à son interprétation-définition de la constitution. De la misère. Des affreuses affaires courantes. Il s’accroche aussi à ses amis. Ses partenaires. Ses associés. Ses complices. Il transcendera en descendant et de fait, descendra effectivement sur nos cadavres au parlement. Entre les réunions éternelles et les négociations qui ne terminent jamais. Jurisprudence de bon usage entre compères. Ah non ! Lorsque j’ai des revendications, j’appelle directement le président au téléphone. Je n’irai pas à la radio, mais il est urgent, impérieux, politiquement correct tonnerre de vous le faire savoir sur les ondes. Question de passer tout le monde, surtout les blancs des NATIONS UNIES par ma farine. Ah ! Ah! Nous irons sous l’arbre de la trahison si le président ferme les portes du sénat. Cet arbre se trouve dans la cour du palais législatif. D’ailleurs, dans la cour de chaque palais il y existe ce genre d’arbre. On se rend compte de leur paisible existence lorsque les barrières sont fermées, après le constat de la trahison. Le président s’accroche avec coriacité pour faire plaisir à l’américain. Il n’y a pas eu d’inondation là-haut. Le Quartier du Pouvoir .Voyez comment le maire de la capitale s’est arrangé pour abandonner le bel immeuble du bas de la ville pour installer ses bureaux, à cinq minutes du réservoir de là-haut. La légitimité financière du groupe est incasable. Tout est sous contrôle, grâce au mutisme menaçant de la présidence. Ainsi, tous les engagements pris par l’ancien gouvernement ont été dégagés, sans péché. Comme pressenti, puis ratifié et enfin bien installé, le cyclone s’empara des esprits. Ce qui justifia la disparition d’une production nationale qui n’existait que sur papier ! Même ceux qui n’ont pas de décharge resteront encore pour longtemps en charge. Ces longs jours d’attente profitable, entre la nomination et la ratification, grâce à ce qu’un illustre décrivait comme l’immense concours de la peur, de l’intérêt et du désespoir, le pays marchait bien.

La génératrice de la Direction Générale des Impôts tomba en panne pour une pièce de 50 dollars et on attendit une semaine pour la réparer. Une semaine relax. Le personnel à ne rien foutre et quelques milliers de dollars perdus. Relax. N’a-t-on pas rapporté le cas de dons qui pourrissent à la Douane depuis 4 ans ! Du toit de son commissariat, un officier de police crut bien compter une trentaine de cadavres, suite aux premières inondations. Un officiel étranger lui fit savoir qu’il n’avait aucune latitude pour constater le drame. Le blanc donnera un chiffre, donc ce chiffre sera le chiffre, lequel sera confirmé dans la presse internationale. Point ! Cet imbécile de policier devrait être rayé des cadres et même fusillé. Que sait-il des « modestes » relations avec la France, l’éternelle France ; de la triste « fiction » pleine de « dessous » que constituent nos relations avec les Etats-Unis ; de cette « discrimination institutionnalisée » avec les voisins, laquelle arrange tout le monde, tonnerre ! Ne sait-il pas que tous les ministères se préparent à recevoir une aide massive pour les organisations populaires du gouvernement ? L’imbécile aurait-il déjà oublié les caisses du mois d’avril des émeutes ? L’on a raison de dire que la police n’est pas professionnelle. Elle ne s’intéresse qu’à la poudre! Des imbéciles en quête de dimes faciles et d’offrandes rapides ! Ne comprend-elle pas que les containers d’aliments et de médicaments sont nécessaires, que dis-je, vitaux et stratégiques, pour la survie du régime du peuple et aussi au bon fonctionnement de quelques secteurs momentanément parasitaires puis soudainement prospères? En ce moment même des inondations, les grands de choc dont nul n’ose prononcer les noms, sait où et comment construire des dépôts en béton blindé pour bien gérer l’aide à encaisser. Ce marché ci-devant noir n’a plus de couleur de nos jours. Il est devenu multinationalement multicolore. L’optimisation de la misère, aussi, sur la cour des ambassades. Face aux malfaiteurs sans grandeur que nous sommes depuis quelques années, ils ont jugé correct d’avoir leurs propres circuits de bienfaisance. Après tout, de hauts fonctionnaires gèrent ou perçoivent des commissions dans les O.N.G. Dans le récent cabinet partiellement remercié, la recommandation d’une de ces entités portait chance pour devenir ministre. Certes, comme toujours, la déveine finira par s’installer à nouveau, cependant rendons grâce à toutes les vierges avec mille neuvaines pour ce cadeau du ciel: une succession de cyclones qui nous permettra d’avoir des choses à dire, à faire, même chose pour la présidence et la primature.

En vérité Dieu, notre réélection est assurée et qui sait, celle ou celui qui aura, finalement, la bénédiction de notre Excellence. Etrange Etat de droit où les hommes de lois s’acharnent à faire le malheur de leurs clients. Moi, je suis une réussite de rectitude: j’ai pu rouler Lucifer. La chambre froide de la seule morgue de ma circonscription a été emportée par les pluies. Peuple victime, deux fois, trois fois, cent fois ! C’est une tradition ! Mesdames et messieurs de la presse, au nom de cette bonne gouvernance de choc, à renouveler à la prochaine averse — que dis-je — au prochain cyclone ou pire, je vote avec mes mains et mes pieds…, Moi, ex-ancien anti-néo libéral”.

D’après Nicolas Jallot et Laurent Lesage, « La scène se passe fin 1993, au nord-ouest. En levant les bras vers le ciel à la recherche d’une solution divine à ses tourments, un paysan sidéré voit des sacs de farine tomber du ciel. Rendant grâce aux dieux, il file au marché voisin pour négocier cette manne. Le lendemain, un boulanger du cru porte plainte contre le « fournisseur » car sa « pâte ne prend pas ». Et pour cause : […] », il s’agit de quelque chose, commercialement et pénalement, très sensible…

Beaucoup mieux que les mauvaises combinaisons à prétention spirituelle, la farine contenait des éléments qui conviennent parfaitement au tempérament national. Tous les couplets de l’hymne national disparaissaient automatiquement, dès qu’il s’agissait de poudre. En des conjonctures précises, le chat laissait flâner la souris et vice versa. Malgré tout, cette race se multiplia. D’une savante complexité, elle se signala en des cercles stratégiques de la sécurité nationale. Ou ce qui en restait. Lorsque l’Empire cassait avec fracas une carrière trop compromise, il prenait le soin de l’éloigner des geôliers de la république, toujours tentés par l’éventualité d’une intéressante évasion programmée. Assassinats, enlèvements, impostures intempestives, le citoyen comprenait mal cette coïncidence réussie entre grande criminalité et tapage démagogique autour d’une impossible réforme judiciaire. En dépit du mielleux décor de prospérité sélective mise en place par nos cabinets d’affaires et les affairistes logés dans tous les cabinets, l’ancienne bienséance d’apparente inspiration catholique explosa. La déchéance humaine faisait bon ménage avec la haute finance empoisonnée. Dans une société en panne de tout, les cartels n’étaient jamais en panne…

(Echos d’une commission parlementaire…) :

En pleine guerre contre le terrorisme, cette relique de la Guerre froide surprenait. Du temps de la première occupation, le gouverneur militaire de la capitale lui interdit formellement de circuler dans le voisinage des tribunaux. Tout étudiant qui oserait fréquenter sa bibliothèque ou qui s’aventurerait à le consulter serait tout simplement fusillé. A notre première rencontre, en compagnie d’un combattant sud-américain dont la police jugea utile et réconfortant de retenir le passeport, le respectable maitre à la réputation sismique, la pipe d’opium aux lèvres, nous montra sur un vieux journal la photo de son officier traitant à Washington. Nous imaginions, philosophiquement, qu’il répétait le même scénario selon la zone géographique qui réclamerait ses compétences.

Ce samedi matin ensoleillé, il nous expliqua, trop calmement, les subtilités de la pratique du Droit. Il fallait savoir jouer tous les instruments et se faire inviter à tous les concerts. En synthèse, c’était le secret de sa longévité. Les confrères des collèges juridiques de presque partout honoraient grassement sa sagesse légendaire et son incomparable savoir faire dans l’interprétation de diverses théories émanant de diverses écoles doctrinales. Son cabinet c’était du légèrement poussiéreux, mais confortable et spacieux. Les meubles, laissés en héritage par un aîné du 19ème siècle, témoignaient une prospérité passée. Tout nous invitait à la plus grande retenue: on déclinait l’eau, le café et il était recommandé de contrôler même sa respiration: dans une existence antérieure, le maitre s’était distingué comme empoisonneur expérimenté. Il s’y connaissait mieux qu’en Droit…

Il régla la question du passeport confisqué en quelques minutes. Suite à un appel téléphonique à son filleul, le nouveau chef de la police, et aussi un autre, au ministre de l’intérieur, son compère préféré du moment. Il ne négligea pas de toucher- en notre présence- un cousin au sénat et un autre au cabinet particulier de la présidence. Il reçut, sur le champ, pour son efficacité expéditive, une mallette aux liasses, dont la simple apparence le mettait en transe, selon ses propres aveux. Il se leva cérémonieusement en remerciant jusqu’à terre. Il n’oublia pas d’insister qu’il n’était qu’un modeste intermédiaire entre les autorités et, la solution des problèmes. L’agressivité des jeunes policiers, dans leur intrépidité à faire disparaitre coursiers et marchandises, l’inquiétait. Lui, en vieux renard avisé, non encore édenté, il se méfiait de l’Internet et des cellulaires. Il n’en avait pas en son bureau et en interdisait l’utilisation. Il prenait du temps pour choisir ses victimes, disséquer les dossiers et ensuite procéder à la lente liquidation financière ou physique, car dans ce cabinet, lorsque la veuve fortunée ne mourait pas mystérieusement, l’orphelin perdait son héritage, par la même procédure.

Presqu’octogénaire, il enterrera adversaires, complices, concurrents, alliés et condisciples. Si on le déposait à la tête d’un ministère -pas n’importe lequel, certainement -pour services rendus aux Services, il livrerait ou exécuterait personnellement, anciens et nouveaux nuisibles…

Entre-temps, Son Excellence décida de privatiser le pénitencier. En encourageant un séjour imprévu pour notables, traditionnellement bien souchés dans l’entourage. A l’occasion, l’actif chef du parquet se transforma en directeur de thèses et leader de toutes sortes d’hypothèses.

D’une méfiance démocratique, contre vents et marées, le chef de la police, protégeait et servait tout le monde. Sachant philosophiquement que la plupart de ceux qui insistaient à défiler, comme étoiles à imiter, devraient se trouver au tribunal ou au Pénitencier. Avec un impressionnant carnaval de précautions, il savait surprendre ses adversaires les plus coriaces. Le premier flic gérait le béton, toujours chaud et les égouts, encore plus chauds. Face à un panorama volcaniquement sophistiqué, il s’écartait du club des directeurs généraux, souvent dépassés par les désagréments politiciens de l’heure.

DE L’HÉRÉSIE AU MERCENARIAT

Nous regardions comment des politiciens et d’autres secteurs s’étaient emparés des cuisses et des fesses d’une candidate à la primature. Quelques mois plus tard, ils réalisèrent une opération médiatique, d’intensité majeure, autour de l’érection sélective d’un puissant ministre, face à un subalterne masculin. Talons de papier et jalons de carton s’entrecroisent.

L’histoire de tout relevait de la procédure inquisitoriale. Est-ce pourquoi, certains acteurs n’apparaissent pas ; pas encore. Aborder l’esprit de cette époque est resté, longtemps après, assez compliqué. Tout le monde savait ce qui se passait, réellement ; tout le monde se taisait. Puis, brusquement, sous une saison, révélatrice quant aux revirements, nous nous rendîmes compte que l’assemblement de la guillotine, pièce par pièce, fut une action collective. Chacun avait, religieusement glissé sa nuque, dans l’attente du couperet. Mystérieusement, on installait sa tête en activant une boite d’allumettes sur les fesses. C’était cela et rien que cela, la révolution ! Chaque ambassadeur se transforma, selon les enjeux liés à sa chancellerie, en conspirateur. Cela ne suffit pas. Ils firent donc appel aux intellectuels : « Nos inquiétudes sont grandes –crièrent-ils…– devant l’orientation que le gouvernement actuel est en train de donner à la célébration officielle du Bicentenaire de notre indépendance. En effet, ce gouvernement travaille aujourd’hui à canaliser toute l’attention de la communauté internationale et des personnalités étrangères intéressées par le Bicentenaire vers une campagne de propagande aux fins de légitimation d’un pouvoir usurpé et reconnu aujourd’hui comme despotique et totalitaire, négateur des principes et des valeurs à la base de la révolution émancipatrice des aïeux ».

En effet, « Un ancien esclave racontait qu’ils « pendaient les gens tête en bas, les noyaient dans des sacs, les crucifiaient sur des planches, les enterraient vivants, les écrasaient dans des mortiers […], les forçaient à manger de la merde, […] les jetaient vivants pour être dévorés par les vers, ou sur des fourmilières, ou encore les attachaient solidement à des piquets dans les marécages pour être dévorés par les moustiques, […] les jetaient dans des chaudrons de sirop de canne en ébullition » — quand on « ne les écorchait pas à coups de fouet » pour extraire la richesse qui a contribué à donner à la France son billet d’entrée dans le club des riches »… (N. Chomsky).

Puisqu’ils étaient déjà dans la conspiration, bien avant leurs sponsors diplomatiques, les intellectuels s’habillèrent d’un côté en manifestants, et de l’autre, en néo- analphabètes. De là, ils fraterniseraient facilement avec les mercenaires. L’opinion se réveilla, en cette année dite du Bicentenaire, prisonnière de faux combattants, de faux patriotes, d’intellectuels faussaires et d’un gouvernement qui n’avait jamais appris à gouverner. La mafia, toujours à l’avant-garde, partout la même, choisit avec une intelligence remarquable, dans tous les camps, ceux qui seraient ses illustres complices. La justice, si le bon Droit avait eu le temps de respirer, aurait une éternité de questions envers tous les acteurs, pour complicité de meurtres et d’autres trafics liés aux homicides du moment. Mais, c’était sous-estimer l’efficacité extraordinaire, presque partout, de la mafia. Grâce à ses codes spéciaux et ses procédures expéditives, elle sut rapidement mettre au pas, tous les secteurs. On commença à identifier les dégâts, longtemps plus tard.

Au-delà des préjugés et maladresses de toujours, chaque fois que les américains se prononcent ou interviennent, c’est pour signaler d’impardonnables erreurs dans le fonctionnement, présomptueux et catastrophique, de notre machine aux roues invisibles. L’état-major des forces révolutionnaires constituait un défi au bon sens. Les puissants sponsors avaient choisi un richissime à la fortune sulfureuse, pour figurer comme premier financier du mouvement. Les subalternes, des gendarmes à la trajectoire ombrageuse. La troupe, moins d’une centaine de soldats pour lesquels la discipline militaire se résumait à frapper au sol deux fois le pied gauche et moins de fois, le pied droit. Encadrés par une médiatisation à outrance, ils finiront par se croire « aux commandes ». Le gouvernement qu’ils combattaient était aussi rempli de mercenaires, à la solde de tous les vents. Ceux-là qui se disent intelligents, parce qu’ils s’adaptent, comme les disques, au temps des phonographes automatiques.

Américains et canadiens, ayant formaté, au cours des cinquante dernières années du XXème siècle, la circonférence cérébrale des uns, s’occupaient de la vitesse. Les français, historiquement imbus de la fragilité cérébrale des uns et des autres, firent croire aux cagoulards qu’ils étaient des templiers du renouveau… D’où la brillante participation des intellectuels, qui confondirent Debray et Debré… La France perdit beaucoup d’étoiles dans cette aventure, entre grands coquins. Elle était la première bénéficiaire d’un « acte d’amitié envers tout un peuple, y compris envers ceux qui n’ont pas voix au chapitre » (R. Debray).

« Révolution », « guerre civile », « rébellion », les mots ne manquent pas. Les prétextes, non plus. Ces hivers mortuaires, provoqués par de longs étés, furent préfacés par de majestueux délinquants. Véritables incendiaires, qui allumeront des foyers, difficiles à se calmer pendant des décennies. Bernard Henri Levy en Lybie et quelques années plus tôt, celui qui « devint célèbre en racontant ses glorieuses aventures dans la jungle bolivienne » (C. Ribbe)… Ces incroyables boucheries, dont les images firent le tour de la planète, en direct, constituent d’effroyables zones d’ombre d’une realpolitik de plus en plus inquiétante. Qui sont les vrais terroristes ? Un jour, on découvrira quelle potion magique avalent ces philosophes sanguinaires, lorsque des milliers de cadavres et de communautés disloquées leur font grimace, en direct…

APOLOGIE D’UNE SAISON

«Saint Michel, bon envers les pécheurs convertis,…
Saint Michel, consolateur des affligés et opprimés,…
Saint Michel, qui présentez à Dieu nos prières,…
Saint Michel, qui offrez à Dieu nos bonnes œuvres,…
Saint Michel, qui êtes le gardien des prédestinés,…
Saint Michel, terreur des démons,…
Saint Michel, lumière des Docteurs»

Multipliant démarches, Lucifer avait jugé qu’en temps de crises, mieux vaut se trouver là où il fait bon et frais.

En ce jour, très tôt, je commençai à préparer mon intervention auprès de mon bon ami, mon très bon ami, mon frère, mon allié stratégique, mon modèle, mon guide, mon « étoile » de chaque jour, ma « lumière », dont la conversion devrait bouleverser le cours des choses.

Vous comprendrez qu’une fois installé, il aura besoin de beaucoup de bras et de nouveaux anges pour convertir le reste de l’ancien royaume ; ah oui, malheureusement, il y eut de nombreux sceptiques et le suivi, contrairement à ce que nous croyions, n’a pas été automatique !

Churchill a bien souligné, « si vous traversez l’enfer, surtout continuez d’avancer »…

Comment devrais-je qualifier ceux qui tuent des générations de « Jésus », et qui dans notre implacable quotidien multiplient disette et deniers ? D’une extraordinaire honnêteté, pourtant inaccessible à notre pédanterie prétentieuse, Judas Iscariote restait un modèle.

–Mon Cher Ponce,

L’insolent que je suis, se permet, Ô combien joyeusement, de frapper à ta porte !

Me voici, face à la turbulente actualité…Sans commentaire !

L’année dernière, une étude, rocambolesque, heureusement vite déchirée, tout à fait digne, de l’imbécile que je suis, m’a permis de comprendre le côté profitable, quant à la multiplication des incidents et leurs sinistres conséquences sur l’année judiciaire.

Ô Mon Cher Ponce, brusquement réveillé, toute crucifixion cessante, je me suis demandé si tu ne devrais pas aussi nettoyer tes yeux et tes oreilles… Car tes mains sont trop chargées !

Elle est bien morte, écrasée, la « femme aux yeux bandés »…

Hier, tout le monde aurait crié : « Face à cette dérive totalitaire, nous, gens de bien, […], Déclarons refuser de nous associer à ce gouvernement, etc. etc. »

–Ce matin, j’ai été émerveillé par un mot de Charles Pasqua, notre ancêtre quelque part ; son mot résume admirablement toute notre histoire :

« Quand on est emmerdé par une affaire, il faut susciter une affaire dans l’affaire, et si nécessaire une autre affaire dans l’affaire de l’affaire, jusqu’à ce que personne n’y comprenne plus rien ».

–« Le vrai intello est un chirurgien. Il ne fustige pas une tumeur. Il l’étudie pour ne pas commettre d’erreur sur la table d‘opération. L’histoire n’a que faire de la morale chrétienne. Elle adore les charcutiers. D’abord les massacreurs, évidemment. Elle respecte ceux qui savent donner des ordres. Depuis quand a-t-on réussi à dompter des dérangés enragés avec des idées ? » J’ai relu, récemment, dans un de mes carnets.

–Ah, Cher Iscariote, heureusement, je connais ton histoire, sinon je me serais déjà pendu, dans l’âme même…

–Journée révélatrice, camarade, dans l’histoire de la propagande. Nous avons atteint le grotesque dans l’insulte.

–Dieu veille sur la cité !

–Oui, en vérité, c’est Dieu qui nous a donné toutes ces magnifiques statues, témoins privilégiés de toutes les malfaisances gouvernementales. Aujourd’hui, il nous en manque deux : une pour surveiller la route de l’aéroport ; l’autre, très grande, comme celle de la Renaissance africaine, au Sénégal, pour contrôler toute la frontière.

–Ah ! Si ces politiciens dérangés des gouvernements actuels savaient que ces statues ont une mémoire fantastique. Elles enregistrent tout. C’est le vrai disque dur par excellence !

–En vérité ! Toutes celles qui semblaient pleurnicher, dans les églises, ont été décapitées ou écrabouillées par le séisme. Papa Bon Dieu n’aime pas la faïence ! Une statue qui a des couilles caresse la pluie, le soleil, les orages et les coups de tonnerre du sol. On ne vient pas se plaindre à ses pieds. Sabre dans l’âme et pistolet à la main, on se présente au garde-à-vous pour causer et immédiatement après partir renverser les imposteurs !

Mystère impénétrable de ce même Champ de Mars, l’inchavirable Nègre Marron de l’architecte Mangonès avait été «préparé» pour faire face à tous les assauts de la populace et des conjonctures adverses. Son ex-voisin, l’Indien inconnu dit indien maclouclou, à cause d’un détail artistique du tanga, n’a pas survécu. Au départ de sa bienfaitrice, la première dame d’alors, il a été violemment renversé. Les statues, chez nous, ont aussi du caractère… Elles n’acceptent pas de compagnonnage conjoncturel…

MARÍA, LA SANTA et LA RÉHABILITATION de JUDAS

Face au nouveau marketing de béatification fast food, mis en marche par la Compagnie de Pie, les héritiers d’Adolf, de Benito et consorts devraient, « légitimement » bouger, pour faire avancer d’autres choses…

A chaque étape de renforcement démagogique, la soutane s’invitait comme pour maquiller ses créatures. Malgré son délabrement plus que visible pour les lucides, à force de rapiéçage de dernière minute, la soutane s’adaptait à l’air du temps… Face, donc, aux fluctuations décisives des marchés, l’église rabaissait ses prétentions et pactisait avec le conjoncturel. Les pirouettes et les griseries autour d’un hypothétique prestige moral de la soutane firent avancer le débat. Les uns accusèrent les autres d’imposture démentielle. Parce que ces derniers estimaient que le vaste patrimoine immobilier de l’institution méritait une autre gestion. En effet, il n’y avait de litiges successoraux, autour de ces immenses terrains sur lesquels la petite chapelle où arrière-grand papa dit oui à grand-maman resta debout, jusqu’au séisme. Alors que la Bank Of China, de la République populaire de Chine, et la Sberbank de Russie leur avaient, divinement, donné un sacré coup de pouce, quelques intelligents de l’église pensaient que le mot « charité » n’avait plus de sens dans leurs pratiques financières quotidiennes… Il fallait profiter de la providence post-sismique et construire, au-delà des ridicules salles de classe, au nom d’un stupide concordat dépassé ! Inflation et coût de la vie affectaient aussi « mon père » et « ma mère », qui méritent mieux que l’historique pitance, accordée par un Etat ingrat pour lequel l’église a su anesthésier les âmes, la foi et une bonne partie de la cervelle pour, au moins mille ans !

Face aux caméras du monde et en direct, on pendrait Jésus et, Judas serait réhabilité. Deux mille ans plus tard, ses deniers convertis en euros rapporteraient un paquet grossissant, si l’on calcule bien le taux et les intérêts recomposés.

Ainsi, grâce à l’intrépidité fascinante d’un groupe de curés avant-gardistes, quant aux intérêts solides de la foi, Judas Iscariote fut réhabilité et l’on baptisa de son nom les premiers complexes résidentiels. Désormais, la chapelle occuperait une partie de l’édifice, de plusieurs étages.

Entre-temps, María la Santa réécrivit, rapidement, son cv : Jésus était une adoption !

Les fameux « commandements » n’avaient aucun sens et Dalloz envisageait quelque chose de plus cohérent. Nous vivons un temps compliqué où l’ouvrier est fiscalement crucifié alors qu’ailleurs, ceux qui disent diriger, au-delà de cette très chimérique « Egalité », oublient constamment d’appréciables tranches patrimoniales… Le faux témoignage et l’adultère convenaient au système. Magnifiquement ! María la Santa constata, aussi, qu’il n’y avait aucun empressement pour remplacer les vieilles statues de faïence qui lui ressemblaient. Au nom d’une modernité massacrante, les grandes capitales se bousculaient en légiférant sur des structures qui rappelaient, étrangement, Sodome et Gomorrhe…

–En effet, déclara l’autre, Judas Iscariote, c’est comme Alonso Quijano (Don Quijote) et Sancho, de vraies créatures humaines, singulièrement proches des hommes de notre siècle ; d’une extraordinaire honnêteté, pourtant inaccessible à notre pédanterie prétentieuse. Comment devrais-je qualifier ceux qui tuent des générations de « Jésus », et qui dans notre implacable quotidien multiplient disette (lorsque les marchandises restent chez le marchand, dans notre cas !) et deniers…

–Ah oui… comment qualifier, maintenant, ceux qui, tous ceux et toutes celles qui, accompagnés de leurs complices locaux, profiteraient de nos ruines…

–Faudrait interroger les ruines, suggéra María la Santa…

–J’ai attendu 43 longs mois, pour essayer d’interroger, à voix basse, les ruines et certains murs sévèrement fissurés.

Pour ma génération, aller en ville, a eu deux grandes significations. De la fin des années 60, jusqu’au début des années 80, c’était visiter un grand centre d’affaires, où des petits magasins offraient des produits de qualité. A partir du milieu de la décennie 80–90, c’était plutôt un vaste centre de « brassage », qui masquait mal les désagréments à venir, en majuscule…

En interrogeant les ruines de l’après séisme 2010, et surtout les mystères autour de chaque propriété, l’histoire sociale se déshabille avec violence pour se faire agresser par la délinquance financière d’une férocité inimaginable.

Dans la plus grande indifférence, nous avons vécu avec de terrifiants monstres, qui finiront par tout dévorer avec notre complicité et celle du temps !

J’observais quelques mauvais jardins improvisés. Naguère il y eut dans ce coin des étagères magnifiques et des comptoirs superbement achalandés. J’interrogeais un gazon d’une verdure attrayante, indiscutable échantillon du phénomène présent : les urinoirs de grande surface !

Dans le secteur rues Bonne foi et Miracles, je me rappelle l’atelier de Monsieur Etzer, qui me confectionna mon costume de mariage, il y a un peu plus de dix ans ; le magasin où j’ai acheté la chemise se trouvait à quelques mètres de l’actuel « boulevard des urinoirs »…

Malgré tout, j’ai su garder le parfum du sourire de Madame Fouad et le bouquet magique du concert des aromes de son magasin. Il m’arrivait, à partir de nos conversations, de faire le tour de Paris, sans prendre l’avion : Caron, Chanel, Guerlain, Rochas, Nina Ricci, etc. Derrière chaque flacon, j’avais une histoire… Que la présente pollution et ses innommables alliés n’arrivaient pas à effacer !

Madame Fouad n’ajouta aucun « titre » de noblesse à son nom. C’était certainement, notre Diva des Flacons. Le poète avait vite compris, qu’elle représentait, en réalité, l’encyclopédie sincère de nos passions.

Lorsque je lui communiquais « notre » rythme cardiaque, elle savait, sur le champ, quel parfum nous émerveillerait.

Souvent, nous oublions, qu’une histoire a ses propres palpitations, au-delà des nôtres. Dès qu’on néglige les moindres détails, elle se fâche cette histoire ! Ou s’éteint, sans explication !

Madame Fouad comprenait, en une microseconde de soupir du visiteur inquiet, ces mystères de nos cœurs, et, très discrètement, souriait.

Ah, Cher Iscariote, heureusement, je connais ton histoire, sinon je me serais déjà pendu, dans l’âme même…

« Capo di tutti Capi » (chef de tous les chefs)…

Du bon whisky sur glace parfumait l’ambiance, lorsque X…, bénéficiaire d’incalculables largesses, déclara en levant le verre, « notre bienfaiteur, dorénavant, portera un nom italien : Luciano Cambroni… »

En ce temps-là, avoir un téléphone dépendait de l’humeur présidentielle. Il en était de même pour le casier postal. Parce que, ce président présidait, de fait et légalement, tous les conseils d’administration du secteur public. A l’horizon, on ne s’imaginait pas voir un Lucky Luciano, revu, augmenté et corrigé…

(Vous prie de m’excuser ! N’ai pas pu traduire. Je vous encourage à le faire. Mon italien est franchement décevant : « arrivederci Roma » ! Voyez-vous, j’ai quand même pu capter, rien qu’au titre, l’article n’est pas un compliment…)

Pendant longtemps, là où je vis, nous disions « aller à Vitielo » ou « marcher sur ses deux Vitielo » pour marcher à pied. Dès leur arrivée au pays, au début du vingtième siècle, le nom Vitielo symbolisait le commerce des chaussures italiennes de qualité. Je me rappelle, en fin d’année, souvent ma mère m’amenait à la Grand-rue, dans l’un des magasins « Vitielo », pour l’achat traditionnel d’une nouvelle paire de chaussures. Malgré le temps, je crois, encore, aspirer le parfum du bon cuir qui s’échappe de la boite de carton.

Au Champs de Mars de notre capitale, il y avait aussi le Café Napoli. Quant à Marra, le nom était synonyme de crèmes à la glace.

Bien avant Romulus et Rémus, je fis la connaissance de Mario Lanza, Caruso et Beniamino Gigli ; présentés par mon père. Il avait aussi de gros livres sur Mussolini et les figures à la mode. Rien que le souvenir de la qualité, grande qualité des images, impressionne aujourd’hui encore. Un peu plus tard, la famille Corleone s’est installée dans mes préférences cinématographiques.

Et, plus récemment, suite au séisme, il y eut cette italienne, aux yeux entre l’émeraude et le saphir. Elle m’a carrément dit que je pouvais lui parler de tout, sauf de…Silvio Berlusconi !

Lucky Luciano, aux fonctions largement larges, avait pour mandat de mettre en œuvre la vision des dirigeants nationaux. Principal coordonnateur de tous les financements, publics et privés, pour la reconstruction. Il ne cessait de clamer « l’urgent besoin de financements supplémentaires ». Alors qu’on parlait de milliard, au pluriel, Lucky Luciano insistait sur le sous-financement….

Luciano Cambroni était un ministre à succès d’une de nos dictatures. Tout ce qu’il touchait se transformait en or pour le régime ; y compris l’exportation du sang et des cadavres. Au début des années 70, c’était une référence…

Vingt-cinq ans plus tard, Lucky, éminence grise planétaire, devint la référence !

La nouvelle épice et les nouveaux conquérants bouleversèrent la vie quotidienne dans les moindres détails. Les messes de l’aube disparurent progressivement, de l’agenda des paroisses, au gré des conjonctures. A certains moments, selon l’humeur des négociants et des détaillants, l’insécurité montait, ou descendait sans explication. Aucune autorité n’osait prétendre expliquer les vraies causes du drame. Nous avions fini par comprendre qu’ils faisaient partie du problème, en affichant l’éloquent parti-pris du silence. Les cadavres qui défilaient sur la chaussée masquaient un autre drame : l’exil forcé. En dehors de toute statistique compréhensible, les gens de tous âges s’exilaient. En même temps, l’administration publique souffrait d’une savante politique d’élimination. Le gouvernement, contrôlé par une gauche aux ordres de l’Empire, offrait des émoluments illimités aux équipes chargées d’envoyer les petits fonctionnaires au chômage et à la morgue.

La libéralisation du riz épicé modifia les comportements. L’école fut la première victime. Elle perdit tous ses galons. Ceux qui parvenaient à maitriser deux ou trois chapitres d’un Que sais-je défilaient sur les ondes comme « experts ». « Réduire la pauvreté », tel que conçu par les institutions internationales sonnait différemment dans notre cité. Tout simplement, cela signifiait élargir efficacement le marché. Au sommet, des inamovibles succédaient à d’autres, inchavirables. Au milieu et en bas, le cortège des bizarreries échappait à la raison : disgrâce anticipée, promotion inexpliquée, atterrissage en stand-by aérien, surprenante exécution, etc. L’école, en perdant ses droits, avait aussi emporté le sens des repaires. La grimace remplaça le sourire et ce dernier symbolisait souvent un mortel avertissement. Depuis le rétablissement légal de l’esclavage, avec la mise en vigueur du Code rural — une version du Code noir, revue par les nègres –, aucun dispositif n’a eu autant de succès comme l’imposition tacite de la monoculture des rizières épicées.

Globalisation des échanges aidant, ils étaient devenus les partenaires indéfectibles des contrebandiers traditionnels. Substantiellement, ils modifièrent nos obsolètes structures commerciales. Les naïfs crurent, qu’enfin, le progrès débarqua à nos frontières et ces insensés glorifièrent les divinités mythologiques de la prospérité. D’une implacable lucidité déroutante, l’Agence s’inquiétait : comment cette république en guenilles parvient-elle à exposer de si lourdes grosses caisses d’or ? L’archéologie financière, mise à la mode par l’Agence, permit de découvrir quelques dynasties. Certains se croyaient « Bourbons », alors que d’autres défendaient un bonapartisme de corridors. Les bulletins de presse internationale et les avertissements de l’Agence fournissaient de curieuses statistiques. Alors que les « Artois », les « Anjous » et les « Bonapartes» se disputaient le marché royal autour des routes et de la distribution du riz épicé, les communiqués du Programme Alimentaire Mondial prévoyaient des troubles imminents dus à la famine. Pour y faire face, les courtisans s’empressèrent de proposer au prince l’achat de véhicules répressifs. Ironie de l’histoire et du destin, au même moment au pays des Artois, des Anjous et des Bonapartes de chair et d’os, l’austérité s’imposait comme axe principal de la gouvernance. Des historiens dérangés, comme il n’en manque pas chez nous, avancèrent que le « bien aimé, juste, bon, vertueux » Charles X aurait pu exiger une indemnité additive. La nouvelle race rajeunie de colons arrivistes passerait, sans hésiter, à la caisse… N’est-ce pas ?

Celui qui s’imposa, pendant pratiquement une vingtaine d’années, comme « Capo di tutti Capi » (chef de tous les chefs) avait atteint un contrôle tel de notre mafia politique, qu’un beau matin, son épouse débarqua pour quelques heures et décida qui serait le prochain président de la république… (En fait, ce qui en restait !). Cinq siècles après Christophe Colomb, ils avaient trouvé de l’or dans le « retour à la démocratie », la faillite organisée d’un pays en guenille, l’éclatement de notre rachitique production agricole, particulièrement le riz, le monitoring d’élections sélectives, la dissolution de tous les projets autour de l’hypothétique reconstruction, enfin, la « débâcle » soigneusement planifiée avec, au moins, cinq chefs d’Etat et presqu’une douzaine de premiers ministres, respectifs…

MOUSTIQUAIRES DU VOLCAN

[…]

Il venait tout juste de comprendre qu’il fallait rédiger un carnet, car depuis ce jour, son cœur battait à un autre rythme.

Quelle est cette affaire de se mettre à marcher, vers minuit, une grande tasse chaude de café entre ses doigts, précisément lorsque bons et mauvais anges sont en conférence d’état-major, et se mettre à causer avec les plus dangereux loups-garous ?

Lui, en cet inoubliable beau jour, se sentit sortir d’un tiroir de morgue. Quelqu’un venait de lui annoncer que la Révolution avait laissé un certain nombre de fous, en marge de l’histoire officielle… Fous d’un pouvoir, lequel déraillait à grande vitesse. N’avait-on pas retransmis sur la Voix des Révoltés, le fameux discours de l’éminence grise foncée du régime :

« Camarade-Excellence, avec votre révolution, nous avons fait un grand pas en avant, car hier encore nous étions au bord de l’abime, etc.…Nous voici donc à ce carrefour historique, où après avoir défoncé toutes les portes toujours ouvertes, nous inscrirons sur tous les bâtiments publics, en grasses lettres rouges :

Passant, ne pleure pas ma mort

Si je vivais tu serais mort…

Vous symbolisez, Camarade-Excellence, les couilles de Walker, le ranger du Texas; les biceps d’acier de Jack Bauer, l’anti-terroriste par excellence ; le brandissant charme de James, James Bond. Hier encore, les gouvernements montaient, tombaient et se mutilaient, le Code Napoléon, à côté du sabre ! Il leur fallait la peau d’un blanc pour parchemin, son crâne pour écritoire, son sang pour encre et une baïonnette pour plume. Vous, Camarade-Excellence, vous avez renversé cette crasseuse dictature du prolétariat ! Nous sommes une dictature du vedettariat. Les blancs, devant, marchons unis. Ne soyons pas comme ces débiles de 1946 et de 1957 : «A bas les mulâtres, vive les mulâtresses». Point !

Vive, etc. »

K… est un diplomate heureux. Le plus magnifique des ambassadeurs américains. Après avoir assisté à la débâcle solennelle de la gauche extrêmedroitisée ; à la disparition, aussi, de milliers de citoyens, emportés par le génocide propre du 12 janvier ; démystifié tout doucement l’essence de la présidence démoniaque –laquelle permettait au chef d’Etat d’incarner toute l’histoire universelle, au même rang que Jésus Christ et Allah, n’ayant de compte à rendre à personne — !

Comme par magie, nous avons l’impression que ce qui reste de l’Etat s’est transformé en succursale du bureau de Monsieur K… Une superstructure, de grande autonomie, à l’intérieur même de la mission diplomatique et fonctionnant en dehors de toutes les conventions internationales. Entre-temps, le cours des nos événements, révoltants et ridicules, placerait l’ambassadeur au-dessus du président du Conseil électoral, du directeur des Archives nationales ; grand bienfaiteur de la Police, du parlement, avec quelques petits cadeaux ponctuels, de confortables bâtisses, essentielles pour la survie de ces confréries-complices, récemment sinistrées.

L’actuelle «politique américaine» révisée par K… l’incomparable et le magnifique, semblait soudainement, s’écarter des canaux traditionnels de la Maison Blanche et du Département d’Etat. En apparence déterminante, elle obéissait à une créature au talent fantastique, qui s’adaptait admirablement à toutes nos vagues. En fait, «the right man in right place» … Lorsque je l’ai croisé, à l’occasion d’une des fameuses réunions de bailleurs, assis en compagnie de quelques blancs, autour d’une petite table, un vendredi d’avril 2011, c’était le profil parfait du grand fonctionnaire au diagnostic infaillible qui vous glissait, à voix basse, rien qu’avec le regard, «les jeux sont faits fiston, soyez prudent… ».

Etranges coïncidences. Quarante-huit heures après la condamnation aux assises d’un bandit, ancien caudillo d’une zone, naguère de non-droit, un autre, aussi célèbre, efficace et dangereux, décède en prison. Exactement soixante-douze heures avant l’ouverture de son procès. Destin étrange, celui de cette jeunesse qui a bouleversé mille vies, pour plusieurs équipes gouvernementales, en versant le sang, violant et séquestrant. Eux aussi, ils furent attrapés par un slogan de choc, non encore approfondi par la justice : le retour de celui-ci ou de cet autre-là, au pouvoir. Un beau matin ou un triste soir, ils tomberaient, attrapés par des enjeux qu’ils ne comprendront jamais. A la morgue ou au tribunal. Rien á dire. La sinistre confusion des rôles, laquelle masque tout, a pu, encore une fois, excellemment distribuer la mise en scène. L’Eglise, les organisations de droits humains et la société civile, en compétition féroce avec le Pouvoir politique, dans la hiérarchie des horreurs. Agenda prévisible, ils seront liquidés selon de très vieilles méthodes.

OURS et MOUSTIQUES…

Comme dans les conjonctures antérieures, l’Equatorien disparut. On n’entendit plus parler de lui. On s’imaginait qu’il avait certainement adopté un profil de moustique. Ne vivions-nous pas une troublante saison, au cours de laquelle un bataillon de moustiques, venus l’on ne sait d’où, faisait déparler toute la population. Les gens proches du gouvernement avancèrent qu’il s’agissait d’une savante fabrication de laboratoire sophistiquée. Nos ennemis, les blancs, comptaient nous détruire, pour s’approprier de nos terres, etc. etc.

Le ministère concerné inquiéta, dans ses premières réactions. Les plus décisives, en pareille situation. Les autorités locales avaient peur d’insulter les autorités de tutelle, c’est-à-dire les batailleurs et leurs troupes chargées de sécuriser, d’abord et surtout, leur gouvernement. Brusquement, nous étions exposés, face à un phénomène épidémiologique beaucoup plus complexe que le choléra. Et, comme au début du choléra, le « système » eut les mêmes réflexes : la création spontanée d’une nouvelle classe de millionnaires qui augmenteraient spéculation et panique, autour des lotions anti-moustiques, des moustiquaires, des bracelets, des sprays insecticides, des comprimés, etc. !

Grâce à l’incontournable complicité tacite du ministère concerné et d’autres institutions étatiques, il se produisit explosion dans l’importation, fabrication de faux, distribution hors de tout contrôle imaginable, avec une rapidité incroyable. La légende autour du moustique terrifiait. Les spécialistes prétendaient que sa piqûre n’envoyait pas en enfer, toutefois, les plus folles rumeurs affirmaient le contraire. L’urine devenait épaisse, en changeant de couleur selon l’heure de la journée. Les parties génitales grossissaient en un clin d’œil, suite à la piqûre et, au même moment, la victime risquait de marcher à quatre pattes, sous l’effroyable pression de la douleur.

Soudainement, comme par magie, alors que le terrible moustique avait déjà perturbé l’existence d’une bonne partie de la ville, une voix venue du ciel lança : « fumigation »… En quelques heures, le mot s’installa majestueusement dans la propagande gouvernementale. Des spécialistes dissertaient autour de la « destruction des gites larvaires », etc. etc. Entre-temps, une conscience d’outre-tombe fit savoir, qu’il y a environ vingt-cinq ans, l’inspection sanitaire et la fumigation appartenaient à la réalité quotidienne nationale. L’inspecteur sanitaire jouissait d’autant de prestige qu’un militaire. En certaines situations, ils travaillaient ensemble. L’air était surchargé d’incertitudes malveillantes lorsqu’au cours de cette lourde saison de moustiques éclata l’affaire « El Hombre »…

Dans l’ancienne édition de la petite géographie, utilisée par notre génération en primaire, je me rappelle encore ces deux seuls noms, cités en exemple, pour illustrer les grandes entreprises commerciales nationales, depuis le 19ème siècle : « Bradleys et Calvinas ». Des piliers incontournables d’un système, pourtant fissuré, de toutes parts. J’ai eu, vers la fin des années 90, une nutritive conversation, autour du droit consulaire, avec un Calvinas, gentleman très instruit. C’était, au début des grossières irrégularités administratives, entre les services d’immigration d’Amérique Centrale et nos marchandes. A travers un simple coup de téléphone à je-ne-sais-qui, à Panama City, Alberto Calvinas solutionna ce qui représentait une migraine pour tout un gouvernement…

Malgré la compréhensible toute puissance des cliques politiciennes multisectorielles, au cours de la Révolution Economique, du milieu des années 70, les Bradleys restaient solides. A l’époque aussi, peut-être pas avec autant de vulgarité qu’actuellement, l’épouvantail épidermique s’était subtilement installé dans la hiérarchie des « recommandations» sociales. Les préoccupations de cette époque sont convenablement abordées dans certains articles de l’hebdomadaire « Petit Dimanche Matin ».

Un fonctionnaire onusien suggéra, très amicalement, « une modernisation du droit dans le pays ». Comment faire avancer le droit dans des agglomérations où les structures viciées se reproduisent, depuis les Codes de 1830? La semaine dernière, j’écoutais attentivement une représentante d’une de ces O.N.G., véritable gouvernement parallèle, exposer comment la population, d’une importante localité, avait bien accueilli la reconstruction du tribunal de paix et la présence régulière du personnel, irrégulièrement rémunéré. Ce tribunal avait été détruit, par un cyclone de 1940. Souvent je me demande si nos « bourgeois » se rendent compte de la précarité coriace sur laquelle ils croient avoir construit cet atroce et chimérique « vive la différence » ?

Le « moi » reste ce qu’il est… (« Haïssable, détestable, condamnable »), etc. Peut-être, avec raison. Mais, dans un milieu à la grandiloquence intellectuelle fantastique, où cependant le manuel de référence d’Histoire nationale, à vocation didactique, ouvrage d’éducation et d’instruction, religieusement réédité, pendant plusieurs générations scolaires, fut une commande de la principale institution scolaire, sous contrôle spirituel de l’ancienne métropole, comment traiterait-t-on le Dossier Bradleys ? Un nom et une enseigne, au coffre-fort, beaucoup plus grand, que celui de la Banque Centrale ?

Ah, Mesdames et Messieurs ! Je viens de me rappeler qu’il existe chez nous, une populaire jurisprudence philosophique infaillible: «Des deux côtés, le mal est malfini ! ». Point !

Ce matin donc, j’ai écouté un très grand maître, dissertant admirablement sur la réforme judiciaire iraquienne ; les difficultés libyennes pour juger, équitablement, le fils du colonel Kadhafi, Saïf Al Islam ; l’urgence d’une politique de réconciliation nationale universelle, etc.

Monsieur Thomas A.L. Bradleys, « soupçonné » de tous les trafics, humainement connus, bienfaiteur de toutes les tendances politiciennes jusqu’alors connues, consul honoraire d’une liste d’îlots, difficilement localisables par Google, avait laissé la prison, la veille, amené d’urgence, par avion-ambulance, vers une destination imprécisée, suite à une « très longue crise cardiaque ; il respirait à peine et transpirait beaucoup ; il a reçu des sacrements, d’un monseigneur dépêché par le Saint-Office ; ses heures seraient comptées, etc. » disait-on à la Voix Du Peuple, la radio gouvernementale.

Dans l’attente du procès de Monsieur — majuscule, s’il vous plait- Don Thomas Anselmo Lorenzo Bradleys, alias “El hombre”, le personnel de justice avait connu toutes sortes de crises. Un jour, il arriva que juges, greffiers, gardiens du tribunal furent atteints de fièvre au même moment, sans oublier cette grève des avocats qui dura de longs mois…

AU TEMPS DES FRÈRES JUMEAUX

Un ancien « patron », converti en contrebandier, à nouveau emprisonné, suite à un long séjour chez les fédéraux ; un autre « patron », mystérieusement volatilisé, après d’imprudentes déclarations ; quant à l’ex-commandant, « El Gallo de Quito », confortablement fugitif, dans l’attente des élections, pour lesquelles il comptait se présenter, le panorama inquiétait, en ce début de l’été du calendrier.

Comme Bonaparte, les idéologues du régime avaient urgemment besoin d’un n’importe quoi, « rapide et efficace ». D’un côté, il y avait la chaleur d’un été grimaçant et sur le béton, l’irritante chaleur des manifestations. Elles emmerdaient une équipe qui n’avait rien à faire. Au fond, que savaient-ils faire, à part ne rien faire, puisque, un politicien retraité restait catégorique, « même le mal, ils le font mal »…. Ces idéologues s’inspiraient, aussi, de Léopold II, lors de sa sinistre saison congolaise.

Le lendemain de leur forfait, la police politique fit circuler la rumeur « le chef d’Etat, profondément bouleversé, injuria ce qui restait de la maman de tous les conseillers qui l’avaient piégé, etc. etc., ». Oui, ce qui restait de ces pauvres mamans, car on racontait dans les rues que très souvent, même les mères défuntes n’étaient pas épargnées par des propos présidentiels révoltants… Le gouvernement s’était d’abord fait complice de quelques rares dédommagés, lesquels endommagèrent l’existence de dizaines de locataires naïfs, car la demande en logement écrasait l’offre, depuis bien avant le séisme. Le gouvernement s’était aussi rangé du côté des fameux « agents préfectoraux », qui régnaient sur ce qui restait des défuntes structures municipales, transformées en tiroir-caisse de mille causes inconnues. Il faisait atrocement chaud, lorsque vers quatre heures du matin, les bulldozers de l’Etat, atteints de fièvre enragée, comme piqués par des moustiques d’acier, provoquèrent un séisme d’une autre nature, en rasant des dizaines de maisons. C’était l’armée israélienne effaçant un territoire de refugiés palestiniens ; c’était peut-être le ghetto de Varsovie, lors de la terrifiante saison nazie ; c’était… dans les crasseux cercles des dérangés du pouvoir, une victoire des fils de Pétion, mulâtres des hauteurs, sur les fils de Dessalines, noirs vivant au bas de la ville. « On » avait prétendu qu’il s’agissait de « grands travaux », exigeant la contribution de tous, pour reconstruire une ville qui n’avait jamais été construite. « On » avait largement distribué les plus belles maquettes du monde, en petits dessins informatisés. Nous avions, bizarrement l’impression, que cette urgence soudaine trahissait quelque chose. La collectivité, tout doucement, atteignait le moment précis, où le citoyen le plus misérable et le plus méprisé ressentait ce besoin civique, d’un règlement de compte avec le régime.

En pleine nuit, surgit un conseiller de l’enfer, qui suggéra à Son Excellence de choisir un « frère jumeau ».

–Dans la hiérarchie de « nos » affaires, faudrait-il le placer comme larron droit, ou à gauche ? Comme vous le savez, dans la très mouvementée histoire du Christ, souvent on oublie certains personnages…

Même lorsque les saisons se ressemblent, chacune cache ses propres conjonctures, ses palpitations particulières. Vingt-quatre heures après avoir rasé un gros morceau du centre-ville, le gouvernement se rappela que le cimetière se trouvait en très mauvais état. Il ne se préoccupait pas de l’hygiène publique, car depuis quelques mois, on rencontrait des morceaux de cadavres, dans les immondices, distribués ça et là. Ce qui permit l’apparition d’indescriptibles infections virales. Cette « nouvelle » dégradation du cimetière n’était point accidentelle.

Sous le gouvernement antérieur, les agents préfectoraux avaient échoué dans l’application de la taxe post-mortem. Ils brûlèrent une incroyable quantité d’ossements, dans le but de rançonner moralement les parents. N’avait-il pas, ce gouvernement pseudo-communiste, placé une mairesse futuriste qui décida de raser un petit cimetière historique pour un chimérique projet de station de métro ? Le peuple en fit une immense latrine.

Les mauvaises langues avisées, toujours au parfum, analysaient les décisions gouvernementales, avec une justesse foudroyante, et ce depuis la découverte d’un important dépôt d’armes, bien « enterrées », par l’US ARMY, au cours d’une de ses récentes promenades militaires. L’utilisation des anciens grands caveaux, à des fins commerciales, avait été envisagée en haut lieu. Les lugubres performances du néolibéralisme avaient déposé, bien avant le séisme, beaucoup de citoyens sur les trottoirs. Les papes de l’heure comptaient donc, réorganiser le logement à bon marché, surtout à la capitale. Culturellement, cela ne posait aucun problème. Le voisinage immédiat avec les proches disparus, ou ce qui en restait, fortifiait les uns. Et, enrichiraient le gouvernement et ses agents préfectoraux, en cette particulière saison d’expropriation, de démolition, au sens propre et figuré.

Offrir des appartements au cimetière paraissait très original. Ceux qui osent emmerder y resteront, carrément !

Avant-dernière : « […] Par arrêté présidentiel, le citoyen alias « l’Equatorien », ainsi connu aussi comme « El Gallo de Quito », praticien diplômé de la grande école des métiers du funéraire, est nommé directeur général du cimetière central, etc. etc. ».

Son installation s’est déroulée sous le haut patronage de l’ambassadeur des Etats-Unis, qui a déclaré en la circonstance, « the right man in the right place »…

Ambassades, banquiers, grands propriétaires se plaignaient, quant au cadre légal, jugé décourageant et inopportun. En accord avec la finance multicolore, le gouvernement fit brutalement éclater tous les délais et toutes les procédures ayant un parfum quelconque de légalité.

Franc-maçon étrange et fervent mystique paranoïaque, le docteur m’avait confié qu’il priait, comme tous ses confrères docteurs, pour la bonne santé des clients. « […] le tribunal, compétemment réuni au palais de justice de cette ville, a rendu audience publique ordinaire et en ses attributions, etc. Ordonne le déguerpissement… Les meubles et effets seront jetés sur la voie publique, etc. Condamne à payer la somme de…, en dollars américains, comme honoraires des avocats poursuivants ; la somme de…, en monnaie locale à titre de dommage ; et finalement cinquante pour cent sur la somme globale, comme taxe judiciaire pour l’entretien du ministère et de la politique pénale du gouvernement, etc. En foi de quoi, etc. Il est ordonné, etc. […] ». Face à la race dorée des avocats de la présidence, que nous appelions « sorciers », les avocats du diable, pauvre diable, les « docteurs » vivotaient difficilement.

–Cher ingénieur, bonjour ! Je viens d’apprendre que l’illustre Marron serait ciblé par une mesure d’expulsion. Enfin, le Marron est toujours victime d’actes dus à son essence même… Il vit dans sa robuste chair métallique son marronnage !

–Cher ingénieur, bonjour ! Les consistantes rumeurs, de plus en plus troublantes. Le Marron, menacé, aussi, d’expulsion ! Le Marron est donc nanmarron…

Ce lundi matin-là, vers presque huit heures, alors qu’on allait, nonchalamment, hisser le drapeau déchiré sur ce qui restait d’administration « publique », je pris goût à la regarder, la statue du Nègre Marron, le seul héros véritable de l’histoire nationale. Le Marron gardait une jeunesse surprenante. Quarante-six ans qu’il observait la quincaillerie politicienne d’en face et cinq siècles de combats permanents. Lui aussi, était menacé par Luciano, lequel avait trouvé de l’or dans le « retour à la démocratie », et avait supervisé par téléphone la faillite organisée d’un pays en guenille, l’éclatement de notre rachitique production agricole, particulièrement le riz, le monitoring d’élections sélectives, la dissolution de tous les projets autour de l’hypothétique reconstruction, enfin, la « débâcle » soigneusement planifiée avec, au moins, cinq chefs d’Etat et presqu’une douzaine de premiers ministres, respectifs…

Le bulldozer nocturne, les coups de semonce et quinze minutes pour foutre le camp devraient régler tous les contentieux du Champ de Mars et autour de ce lieu, lequel brusquement était devenu un centre d’intérêt alléchant d’intensité antinationale. Quelque part, il y avait aussi un début de rupture entre les docteurs et les sorciers. Que cachaient les égouts de ces projets de chantiers mystérieux ?

ORAISON POUR UN SYSTÈME…

Chers invités,

Notre père spirituel, l’illustre Mikhaïl, disait : « Quelque chose de complexe n’est pas utile et tout ce qui est utile est simple ». Pour nous autres, révolutionnaires consacrés, c’est ce qu’il y a de plus sacré.

J’étais en réunion avec Son Excellence. Il était bouleversé, préoccupé et plongé dans une solitude intellectuelle inquiétante. Tout le monde nous abandonnait, en même temps. La représentante du Fonds d’appauvrissement posa les scellés sur les portes de la banque centrale, avant de s’en aller, les valises pleines. La représentante du Secrétaire général prit la fuite, avec tout son attirail militaire, sans même songer à dire au revoir. Des dizaines, que nous croyions alliés fidèles, presqu’éternels, s’enfuirent. Face à nos difficultés, nos décombres, nos cadavres, nos affamés et nos bulldozers alignés, nous nous croyions perdus. Le choléra et les autres épidémies nous avaient, certes, considérablement aidés, à concrétiser notre programme révolutionnaire d’ajustement démographique.

Comment ne pas saluer, notre ami, l’ambassadeur de toujours ; et aussi, notre sœur, la consule générale, grande passionnée des lieux de mémoire de l’ancienne métropole.

Chers amis invités,

Personne n’osa comprendre ! La révolution avait tout simplifié. Ne respirez-vous pas mieux, maintenant ? Son Excellence doit se sentir heureux. Il dirige le seul pays du globe avec la plus faible densité au kilomètre carré. Il faut marcher beaucoup, pour rencontrer chez nous, maintenant âme qui vive… Grâce aux bulldozers et aux kalachnikovs, nous avons réussi ! En vérité, en vérité, avec la première moitié de la population qui s’est portée volontaire, l’autre vit mieux. Ainsi, nous avons plus de visiteurs que d’installés…

Je vous rappelle que nous offrons des avantages uniques, comme au temps des pharaons : cafétéria souterraine, animaux de compagnie, prière finale assistée, etc. Nous avons révolutionné l’art. Enfin, après de longues décennies de massacres, il nous fallait un endroit où rassembler, paisiblement, massacreurs et massacrés.

Bravo !

On racontait beaucoup de choses sur l’Equatorien. Dans sa nouvelle fonction, le commandant se distinguait. Une fois installé à la direction du cimetière, il fit décrocher l’ancienne inscription « Souviens-toi que tu es poussière, etc. ». Il la remplaça par du Baudelaire abrégé et fit aussi installer, presqu’à chaque cent mètres, de belles horloges. A l’entrée de la nécropole magnifiquement reconstruite, on lisait en gothique somptueux, « Maintenant, Je suis Autrefois »…

Homme du Sud, dans l’âme, l’Equatorien édifia un ensemble complexe qui rappelle à la fois La Recoleta et La Chacarita. Pari difficile, mais réussi. « […] lorsque la construction marche, tout marche » avait-il souligné lors de son discours. Tous les grands projets de la révolution étaient représentés. On observait, en effet, d’admirables caveaux, rendant hommage au tourisme, à la finance, aux affaires, à la production agricole, à la démocratie, etc.

Dans l’assistance, on remarqua trois dominicaines. Au cours de la dernière décennie, ces charmantes dames, éternellement souriantes, représentaient, respectivement, l’association des fabricants de ciment, celle des propriétaires de pompes funèbres et embaumeurs, puis la loterie. Pour immortaliser, dans le marbre, ce merveilleux chapitre historique, un architecte sans égal dessina le chef-d’œuvre qu’on décida d’appeler Mausoleo Mal Paso, avec une croix semblable dans les dimensions à celle du Valle de los Caídos d’Espagne.

On racontait beaucoup de choses sur l’Equatorien, mais sa conversion spectaculaire surprit tout le monde. Le destin lui offrit en cadeau, sur un plateau de marbre, la plus prestigieuse fonction : premier directeur du cimetière central reconstruit, devenu grand cimetière international, avec piste d’atterrissage…

« LE DERNIER REPAS »…

Lorsque, vers minuit, le docteur Salvatore Dorval frappa à la barrière, j’ai immédiatement pensé qu’il se passait quelque chose. Quelque chose dans le monde littéraire ou dans le projet de gouvernance universitaire. Le docteur venait de publier un poème à succès à La Havane :

« CARLA…

Là où je vis,

Cela fait, au moins 25 ans,

Que je souhaite,

Me réveiller un jour

Et te dire, BONJOUR !

Nous aurons le temps de méditer,

De réfléchir, «d’analyser»,

Et qui sait, de prendre ensemble,

Face à face, un bon café.

S’il te plait,

Déposons plume, clavier et papier,

Pour nous dire,

Tout doucement, réellement,

BONJOUR !

II

Il est souvent difficile d’expliquer pourquoi et comment on s’attache à un lieu ?

On s’attache au nom d’un lieu, son histoire, sa musique.

Et, il y eut d’abord le nom de QUELQU’UNE …

Depuis quelque temps,

Je réalise que QUELQU’UNE

M’oblige à prendre des nouvelles de…

Curitiba.

Je me retrouve (et me découvre…)

Entre le Deville, le Bourbon et le Sheraton !

Et surtout, je me trouve déjà

(Sans avion, ni bateau)

A la Rue piétonne 15 novembre !

Lorsqu’on pense, réellement,

A QUELQU’UNE,

Les ailes du cœur vont plus vite que Concorde

Et le trottoir, près de ta fenêtre, sera notre 5 étoiles,

Sous la lune de Curitiba !

Août, le premier dimanche.

III

[…]

Alors, saviez-vous que souvent, vos tangos,

Vous poursuivent !

Atrocement, d’ailleurs !

Carla est apparue et a disparu avec cette effrayante vitesse des lourds éclairs de la vraie vie !

Alors, près de là où je vis,

Les tangos prennent mille formes,

Lorsque les transpirations du cœur

S’échappent des paupières.

J’ai cru comprendre que les profanes préfèrent dire :

Larmes !

Mais, tout cela, je refuse de vous le dire.

Je confie le destin de ces larmes à Omara.

Nous souhaitions le traduire. Entre-temps, je comptais aussi discuter, autour des dégâts survenus dans notre quartier et ailleurs lors de cette fameuse Coupe du monde. Brigandage, vagabondage, insécurité, une sorte d’hypertension monitorée à distance. Le Courrier Ipaginatif :

«Cher Maestro, avec quel plaisir j’ai lu votre note et me suis empressé de le placer sur mon mur ! […] la mesure n’est pas au rendez-vous et je crois que dans le pays de demain, la Coupe du Monde devra se gérer, carrément, autrement ! Le fanatisme aveugle, cette entreprise dans laquelle se sont lancés avec une fureur démentielle, certains de nos compatriotes, que ce soit dans le domaine du football ou celui de la politique, ne peut -être qu’un assouvissement malsain, une fausse potion magique destinée à combattre l’indigence d’esprit ou cette hostilité instinctive qui a toujours fait se lancer chacun contre l’autre pendant toute notre existence de peuple.

[…]

Et, ce ne doit pas être une mesure policière et/ou pénalement triste (comme nos emprisonnements préventifs, à intention éternelle….). La Coupe du Monde de football s’inscrit comme danger insécuritaire majeur. Maestro, presque dans chaque quartier… Mettons du cœur à corriger, cette nouvelle dérive, au parfum désagréable ! »

Les évènements qui amenèrent le docteur Dorval chez son voisin et complice, vers minuit, étaient beaucoup plus graves…

Alors que de magnifiques écrans géants, alimentés par l’énergie solaire, avaient été partout installés, y compris au cimetière, ce qui restait de vendable sur le territoire avait été, urgemment liquidé. Une entreprise chinoise, spécialisée en fonderie de matériau lourd, offrit quelques dollars pour les statues, y compris celle du Marron inconnu. Gouvernement, opposition, les naguère « coqs » de gaguère et ceux de basse-cour, les ténors aphones, les ténors de téléphone, classe politique et société civile, s’étaient mis d’accord sur le prorata de ce qui resterait des commissions sur les dernières transactions de ce qui fut un pays.

Un inconvénient majeur, entre-temps, survint : la statue du Nègre Marron avait fui la Place des Héros de l’Indépendance, sans aucune aide apparente. Le gouvernement organisa des milices et fit appel aux polices du monde… pour localiser ce nouvel ennemi, brusquement coriace.

Gilbert Mervilus, Juillet 2014; 19, avenue d’Italie-75013 Paris; Ipagination 2015

1Utilisation romancée des articles provenant : Le Grand Soir, Jeb Sprague ; Le Nouvelliste, Gérard Maxineau et Roberson Alphonse ; World Socialist Web Site ; RISAL.info, Michel Chossudovsky

2 Utilisation romancée d’extraits provenant: Pierre Dubuc, Michel Chossudovsky , Arthur Mathon, R.F.I., HPN.

3 -62.000 fonctionnaires et 20.000 contractuels-consultants…

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