Le poète Jean Fernand Brierre (1909–1992) et Marian Anderson (1897–1993); Vintage Haiti & Haiti Legends

Autour de l’instructive interview de Kesnel Vertil avec Marie Lucie Bonhomme

Don Gilberto

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Kesnel Vertil signe son livre La Musique au singulier pluriel

https://youtu.be/QT4GMa2rDk4?si=kTJVfT7ElPHV6lIH

Dans cette ville où nous prenons plaisir à oublier les bonnes habitudes, je reçois ce matin la chronique de l’Ing. Vertil, majestueusement structurée par ce magicien du texte court. A la seconde lecture remarquablement assaisonnée des liens musicaux, je me suis proposé une promenade à travers notre capitale, accompagné de Händel et de Mozart. J’ai même osé penser à l’extrait de Salve Regina le plus connu par notre génération (Louis de Funès ! ).

Je me rappelle ce dimanche de Pâques, le magicien nous offrit «Ave Maria»; œuvre majeure qui a marqué ma génération. Il est instructif de signaler qu’elle nous est parvenue avec la voix de Marian Anderson, qui visita Haïti en 1949 (Exposition du Bicentenaire) et en 1954 (150ème anniversaire de l’Indépendance d’Haïti ). Un dimanche matin de 1968, je ne me rappelle plus en quelle occasion, chez Madame Armelle Garoute (une des maisons Trois Bébés, en face actuel StarMart)), Tante Jeanne Ellen chanta «Ave Maria». Sa voix monta sérieusement, atteignant une bonne partie du voisinage.
Anecdote: sous François Duvalier, on avait l’impression que nos rares stations de radio (MBC, PauP, Carillon, Cacique, Lumière, etc) n’avaient que du Marian Anderson dans leur section classique.

Que de témoignages, en toute sincérité! Au moment où j’ai commencé à lire les chroniques de Kesnel Vertil, j’ai rêvé écrire l’histoire des pianos au Bois Verna à partir de l’ancienne maison de Carmen Brouard (ex Collège Jonas Augustin, actuellement garage de véhicules…), pour arriver à Turgeau à l’impasse où Bebo Valdés visita son frère de clavier Guy Durosier, en mai 1956.
Pour écrire cette histoire, je me suis sagement interrogé, après avoir consulté un vénérable du quartier, sur la localisation d’un éventuel piano. Certes, je n’avais pas oublié la rue Duncombe et la résidence des Dalencour. Je me demandais aussi qu’était devenu le beau piano des Maingrette, à l’avenue du Travail.
Puis, d’autres projets ont bousculé mon intention relativement archéologique autour des pianos dans ce qui furent les salons du Port-au-Prince d’hier…
Je n’ai pas manqué de penser à la guitare de Mario. Un texte magistralement construit par Lyonel Trouillot dans «Histoires Simples». Mario avait laissé le pays -je crois- et personne à Saint-Antoine ne sut que devint sa fameuse guitarre.
En fait, tout ce qui est musique chez nous cache tant de complications. Lorsque j’ai demandé à mon jeune frère le sort des archives du studio de son ancien voisin l’ingénieur habitant à l’impasse Villefranche, il me répondit sincèrement «les archives disparurent d’abord, l’ingénieur ensuite»…

Kesnel Vertil sait exposer avec du tact incomparable. A un moment, j’ai eu la conviction qu’il déposa Queen Lafitah dans les bras de Carlos Gardel! Il faut être musicien authentique dans l’âme pour imaginer certaines prouesses. Oser continuer les pas d’Al Pacino, au-delà de l’écran magique, «por una cabeza»… Si je parvenais à associer les pianos de Carmen Brouard et de Bebo Valdés, je le ferais «Con tres palabras». Certes avec la complicité de Chucho Valdés.

A la manière de Fred Paul, au temps du magasin Mini Records à Lalue, Kesnel Vertil nous convoque à chaque chronique à nous décomplexer. Il y a une école de danse dans mon voisinage. Fort souvent je m’associe aux entraînements à distance, comme si j’étais inspecteur de l’Éducation nationale véritable! Et qui a dit que chant, danse, musique au singulier pluriel ne devraient pas connaître un sort différent dans notre système scolaire? Imaginez ce jour lorsqu’ une dernière génération politicienne finira par quémander de la coopération internationale pour nous apprendre à comprendre, bien comprendre, Ti Paris, Ti Manno, Ti Roro et Ti Carole!
Parce que, lorsque je parle de Bebo Valdés, je pensais aussi aux «danzas afrocubanas». Sans oublier le maestro Ernesto Lecuona. Le plus grand inventaire des richesses musicales afro-caraïbéennes est à Cuba. Magistralement documenté par l’ethnologue Fernando Ortiz. Je crois regarder le maestro Ipharès Blain et sa baguette exécutant «Bruca Manigua» (succès afro-cubain de Miguelito Valdés). A deux pas de ce mémorable Kiosque de notre Champ de Mars, le capitaine Toussaint, voisin du Paramount, aimait jouer au piano «Damisela Encantadora» (Lecuona).

J’ai confié au Maestro Vertil, si je n’arrive pas à bien saluer tes travaux, je demanderai à notre ami commun, grand détenteur de dictionnaires et Chef en rédaction, comment apprendre à apprécier?

Gilbert Mervilus, 23/6/2024

Nat King Cole (1919–1965) et Martha Jean-Claude (1919–2001)
La scène emblématique du tango «Por una Cabeza» entre Al Pacino & Gabrielle Anwar dans Le Temps d’un week-end (ou Parfum de femme).

Notes: Carmen Brouard (1909–2005), pianiste haïtienne, compositrice et professeure de musique qui marqua son époque

Bebo Valdés (1918–2013), musicien de jazz afro-cubain, considéré comme l’une des figures centrales de l’âge d’or de la musique cubaine.

Guy Durosier (1932–1999), surnommé « la voix d’Haïti » par Edith Piaf, Guy Durosier a porté haut les couleurs de son île à travers le monde.

«Por una Cabeza» est un tango populaire composé par Carlos Gardel avec des paroles d’Alfredo Le Pera pour le film Tango Bar (1935).

Colonel Iphrès Blain (1926–2018), « la musique est un langage à travers lequel l’homme peut exprimer ses joies, ses angoisses, ses tristesses, ses illusions ». Fut directeur de l’orchestre de la Garde Présidentielle des FADH.

Ernesto Lecuona (1895–1963), compositeur et pianiste cubain dont beaucoup d’œuvres sont devenues des références des répertoires latin, jazz et classique.

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