CHRISTOPHE MERVILUS, PAR LYONEL DESMARATTES, SUR MEDIUM

Don Gilberto
4 min readJul 30, 2016

IN MEMORIAM: CHRISTOPHE MERVILUS (1919–1987)

Il fut difficile avec ses disciples comme il devait être un maitre exigeant avec lui-même… Voilà la réfléxion que j’ai faite en recevant la nouvelle du décès du professeur Christophe Mervilus. J’ai appris à le connaitre durant quatre ans à l’INAGHEI (Institut National d’Administration, de gestion et des Hautes Etudes Internationales), où nous étions, lui professeur d’espagnol, moi, étudiant. Longtemps par la suite, j’eus le plaisir plusieurs fois renouvelé de le pratiquer au Ministères des Affaires Etrangères où nous travaillions, et puis chez lui, à Turgeau, où il me fit plus d’une fois la joie de me recevoir. Ici comme là, nous ne rations jamais l’occasion de parler de la langue de Cervantes, ce train d’union merveilleux qui lie des millions d’hommes et dont il connaissait le fonctionnement à la perfection. Dans l’acceptation plénière du terme, il était ce que les hispanophones appellent «catredrático», plus dans le sens étymologique global du mot, que dans son extension académique moderne qui le dépouille parfois du sérieux que les Anciens attachaient au niveau supérieur.

Il avait ceci de particulier que sa chaire était très souvent une tribune d’où il faisait passer un enseignement composite, avec des sujets touchant une une variété infinie de disciplines. A l’INAGHEI, mes condisciples éprouvaient parfois du mal à le suivre; mais sa logique imperturbable le ramenait immanquablement au fil directeur de son exposé qui avait gagné en clarté après chaque échappée. C’est que l’éducation, à ses yeux, était un tout et devait viser la formation la plus intégrée possible.

Son cours était émaillé de petits faits, des moments de sa vie de professionnel, qui étaient autant d’exercises d’éveil pour nous prédisposer à l’écouter. Ce fut au cours de l’un de ces après-midi qu’il nous conta une histoire qui me fait sourire aujourd’hui encore, lorsque j’y pense. “Un jour,nous dit-il, j’officiais comme interprète au palais national à l’occasion de la visite d’une délégation latino-américaine. Doué d’une voix qui porte, j’avais demandé qu’on plaçât mon micro à une certaine distance, si bien que la majorité des visiteurs ne pouvait guère me voir. En entendant la voix d’un invisible, ils durent sùrement penser que c’était un zonbi qui parlait leur langue”.

Je songe toujours avec timidité à une leçon spéciale qu’il me donna au moment où je m’y attendais le moins. Nous revenions ensemble de la chancellerie lorsque, soudain, je commençais à me plaindre du chauffeur qui nous précédait et cédait sa priorité aux voitures venant de la gauche. “ Cet homme n’est donc pas pressé?” demandai-je avec impatience. Et le professeur Mervilus de répondre, la voix rauque et le ton sarcastique: “Il est plus courtois que pressé”. La courtoisie! Ce vocable plein d’anachronisme pour plusieurs et qui, pourtant résume à lui tout seul une bonne partie du code la route.

Dans nos conversations nous parlions très peu de sa carrière dans l’Armée, d’où il prit sa retraite au grade de colonel; sans doute parce qu’il y avait trop à dire de l’espagnol et que notre intérêt pour cette langue était totale. Un jour que je lui rendais visite, j’évoquai la possibilité pour lui de publier un manuel à l’intention des étudiants et j’offris ma collaboration. Si j’étais resté au pays et que j’eusse insisté davantage, peut-être ce projet aurait-il pu se concrétiser.

Toujours est-il que le professeur me montra pas trop d’enthousiasme pour l’idée, doutant que l’ouvrage dû vraiment intéresser notre jeunesse. Je reste toutefois convaincu que ses anciens élèves et étudiants se seraient fait un devoir de se procurer un morceau de ce cerveau qui a formé plusieurs générations.
A l’INAGHEI comme ailleurs, je me suis découvert devant l’érudition et l’esprit didactique de plusieurs professeurs; mais très peu d’entre eux m’ont impressionné autant que Christophe Mervilus. Adieu Maitre! Heureux qui, comme vous, a la chance de rendre à la société ce qu’il en a reçu. Votre dernier mot en faisant le grand saut, a sans doute été “ Non diem perdidi”…
LYONEL DESMARATTES, Washington, D.C. le 30 mai 1987.
Page 4, Mardi 9 juin 1987, Le Nouvelliste # 33013-

Photos: Christophe Mervilus, Madrid 1951; Cadet C.Mervilus, 1941, Académie militaire d’Haiti; Christophe Mervilus à Salamanca 1952–53. Collection Gilbert Mervilus.

ARCHIVES QUELQUES DOCUMENTS CMhttps://medium.com/@gilbertmervilus/archives-quelques-documents-cm-1e0b1157ba91

Notes: «Interprétation et évaluation de la grève des étudiants de 1960–1961 en Haïti (2 de 2), Leslie Péan

[…]

A) L’armée. Le 27 novembre 1960, soit cinq jours après le déclenchement de la grève, Duvalier procède à la mise à la retraite des colonels progressistes et réputés de gauche tels que Paul Laraque, Christophe Mervilus, Hamilton Garoute ; des lieutenants-colonels Max Chicoye et Ernst Biamby. Deux jours plus tard sont retraités d’autres officiers supérieurs tels que les majors Roger Célestin et Max Buteau ; les capitaines Musset Despeignes, Hermann Prepetit Roger Nicolas, Marx Jean-Baptiste et Roland Jean-Louis ; et enfin les lieutenants Joseph Coupet, Yves Volel, Anthony Volel et Max MacCalla. Dans un deuxième temps, une semaine plus tard, avec la dent dure qui le caractérise, Duvalier procède au transfert de 36 officiers supérieurs dont les colonels Jean-René Boucicaut, René Forvil ; les lieutenants-colonels Max Alexis, Roger Tribié, Lecestre Prosper, René J. Léon ; les majors Lionel Honorat, Yves Cham, Max Deetjen, Charles Turnier, Joseph Lamarre, Octave Cayard ; les capitaines Monod Philippe, René Jacques, Frédéric Arty, etc.»

http://www.alterpresse.org/spip.php?article21480#.WmO0kSVnXqB

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