AP, 1er août 1959

Clément Barbot, pionnier du «renseignement» haïtien au XXème siècle et «Premier ministre» avant la lettre…

Don Gilberto
5 min readJul 16, 2018

L’homme est né aux Gonaives (1914), mais dans sa brève carrière dans l’enseignement, il travailla à Saint-Marc. Dans la hiérarchie des douloureux souvenirs atroces, il fut chef de la police secrète; ce qui le rend présent à presque toutes les séances de tortures et les exécutions. Sa troupe symbolisait la marque allemande «DKW», véhicule préféré des cagoulards-futurs tontons macoutes- pour ramasser au beau milieu de la nuit les prétendus ennemis du régime (Bernard Diederich, Mario Delatour).

Barbot est presqu’un stratège militaire: le 29 juillet 1958 (dite première invasion), il organise la distribution d’armes à des volontaires à la grille latérale du palais.

Rafael Leonidas et François Duvalier

Le 22 décembre 1958, Rafael Leonidas Trujillo et François Duvalier signèrent un pacte de protection mutuelle. Sur l’Ile, on cite le nom des architectes de cette entente politico-commerciale (se protéger et le négoce des braceros): colonel Johnny Abbes García, chef du Servicio de Inteligencia Militar et Clément Barbot. Ce dernier est aussi une sorte d’officier de liaison dans l’entourage du major James T. Breckenridge, lequel dirige une mission militaire temporaire. Les Marines mènent un projet pilote de formation. D’autres ajouteront d’encadrement «paramilitaire», aussi… L’actif et intelligent Barbot nourrit de claires intentions autour de sa fonction d’incontournable Chef de la« police secrete». N’a-il pas «assumé le rôle de chef éxécutif d’Haiti» pendant la première crise cardiaque sérieuse de François Duvalier, au début de 1960? Il présidait alors les rares conseils de ministres.

En 1957, d’ordre de Rafael Leonidas Trujillo, le colonel Johnny Abbes García est présent en Haïti pour financer et encadrer l’arrivée au pouvoir du Dr. François Duvalier (Santiago Estrella Veloz).

En juin 1960, Rafael L.Trujillo, maitre de la République Dominicaine, organisa un attentat contre le président vénézuélien Rómulo Bétancourt (vendredi 24 juin 1960). le nom du tout puissant chef de la police secrète haitienne, le très craint Clément Barbot, est cité dans l’enquête de l’OEA… Aurait-il été mis au parfum, par ses alliés de Ciudad Trujillo (Santo Domingo) que la bombe séjourna pendant quelques heures/jours (?) à l’ambassade dominicaine d’Haïti. Bref, dans le monde du renseignement, «on» dit toujours «tous les Services sont interconnectés»… Pour la jeunesse actuelle, l’Haïti du début des années 60 est coin sinistrement remarquable. Bien après l’ère «Barbort», — abattu le 14 juillet 1963-, on rapporta aussi que le fusil qui assassina JFK en novembre 1963 aurait séjourné à Port-au-Prince…

Dr. François Duvalier

D’après les témoignages d’initiés au premier cercle, le médecin François Duvalier, répérait au cours de ses visites sur le territoire, les tueurs pathologiquement spéciaux, civils et militaires…

Gilbert Mervilus 16 juillet 2018.

Edition Time Magazine (26 juillet 1963)

Extrait d’un article du Time Magazine (26 juillet 1963); Traduction ad libitum, d’un article de Time Magazine “Haiti: The Living Dead”. Publié une semaine après sa mort. Par Haiti-Référence, Biographie de Barbot:

«[…] Jugé, à un certain moment, trop ambitieux par son protecteur, il fut jeté en prison sans aucune forme de procès. A sa sortie après près de 18 mois, il fut assigné à résidence. Il finit toutefois par éluder ses surveillants et se lança dans une campagne contre son ancien mentor en essayant de rallier les opposants autour de sa cause. Ces derniers, dont certains furent ses victimes, le considéraient avec une grande méfiance et voyaient en lui un choix entre un scorpion et une tarentule: “Que peut on espérer d’un tueur qui délivrerait le pays d’un maniaque à qui il a été à la solde?”

En avril 1963, quatre des gardes du corps de Duvalier ont été abattus alors qu’ils escortaient deux des enfants du dictateur à l’école. Au cas où le message échapperait à Duvalier, Barbot lui lui fit savoir dans une lettre que son groupe ne se livrait qu’à un exercice. Quelques semaines plus tard, les hommes de Barbot attaquèrent une école qui abritait des paysans emmenés de force à Port-au-Prince pour gonfler les manifestations en faveur du gouvernement. Sept de ces pauvres paysans trouvèrent la mort dans ce raid. La nouvelle donna des sueurs froides au président et aux autres membres influents du gouvernement qui décidèrent alors d’en finir avec lui.

Des patrouilles militaires commencèrent dès lors à passer au peigne fin la capitale. Certaines tombèrent dans les embuscades tendues par les mercenaires de Barbot tuant en un seul jour 30 soldats et miliciens. Les hommes de Barbot arrivèrent même à s’infiltrer dans certaines casernes en emportant armes et munitions. On disait même en ce temps là qu’il a rejoint un jour le président par téléphone, lui faisant croire que ses hommes avaient réussi à infiltrer son entourage et empoisonné le café qu’il s’apprêtait à boire. Duvalier lui aurait alors répondu: “Barbot, j’aurai ta tête!”

Les rumeurs qui circulaient alors faisaient croire que Barbot était invulnérable et pouvait se changer à sa guise en chien noir. Des chiens noirs devinrent les cibles des sbires de Duvalier.

Dans les premiers jours de Juillet 1963, le fugitif devant l’épuisement rapide de ses munitions, décida de jouer le tout pour le tout et se prépara à se lancer dans une dernière grande offensive. Il fut trahi.

Entouré par des hommes armés qui mirent feu aux champs de canne à sucre qui entourait l’ajoupa qui lui servait de cachette, il tombèrent sous les balles de tontons macoutes et alliés militaires. Deux de ses frères périrent avec lui.

Le même jour, les radios de la capitale annonçaient la nouvelle en faisant véhiculer la version du gouvernement: Les Barbots qui essayaient d’incendier des champs de canne et qui refusaient de se rendre aux forces de l’ordre ont été tués».

Barbot présidait alors les rares conseils de ministres.

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