Des vœux en spirale…
De passage à une pharmacie du voisinage, où tout le monde portait le bonnet rouge de circonstance, j’ai pu enfin comprendre l’agréable émotion qui s’échappait du respectable sapin découvert en début de semaine. Je me suis senti comme ces «enfants de l’ancien pays qui attendaient avec impatience le passage du petit Jésus» (Cantave, 1938).
En étudiant les multiples arrangements, j’ai aussi pensé à me documenter sur les Noël d’Haïti. Le Nouvelliste du 23 décembre 1899 nous informe, «Nous voici à la grande fête commémorative observée par le monde chrétien» (page 1).
La vie m’a donné en cadeau d’étudier la Noël à San José (Costa Rica) et le magnifique spectacle des confettis à travers l’Avenue Centrale. Vint ensuite la Noël espagnole où certaines crèches ont presque la dimension de nos églises! Je n’ai jamais cherché à comprendre pourquoi il est agréable de passer la Noël dans le secteur de la Cathédrale de Santo Domingo. On a comme l’impression que le petit Jésus a envie de dire deux mots à Christophe Colon. Pourtant la Noël de Monseigneur Lafontant -alors curé- au Sacré-Coeur de Turgeau transmettait une modeste et fascinante spiritualité parfumée qui semblait se propager au-delà de la paroisse. Ma génération croyait qu’à un moment de sa fantastique existence, le Père Noël eut pour domicile le presbytère du curé Joseph Lafontant, à la rue José Martí.
La sérénité et la lucidité dominent le sapin découvert ce lundi matin à Pétion-Ville. Les tonalités nous invitent à saisir l’intime complexité de la Noël présente: «décembre» a fui les cœurs, les poches et l’atmosphère même! Il faut savoir convenablement formuler les vœux et chaque détail, pour éviter de contrarier.
Je me rappelle une veille de la fête des Rois (janvier 2019). Frankétienne passe saluer notre section et s’assied sagement à ma place. Il nous salua avec l’élégance d’un patriarche qui connut les splendeurs du pays d’hier lorsque le cigarre de l’empereur d’Allemagne venait de Bizoton et Pantal au portail Saint-Joseph sut maintenir la tradition. Dès lors j’avais appris à mieux observer l’indéfinissable luminosité des nuances de la Maison.
J’emprunte donc -sans nuance- un pinceau du Maestro pour formuler des Vœux de première classe.
Gilbert Mervilus, déc 2023
Notes: Philippe Cantave, Montréal 1938
«Pantal», Pantaléon Guilbaud (1887–1938), grand entrepreneur haïtien du tabac au début du XXème siècle.