Site de Saint Louis de Gonzague (Haiti)

Histoires d’haïtiens

Don Gilberto
7 min readDec 30, 2018

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Dans la troisième décennie du vingtième siècle, Port-au-Prince a approximativement 120 mille habitants, d’après le National Geographic Magazine (Harry Johnston). L’univers scolaire, à côté des cours particuliers, ce sont les soeurs, les pères, le lycée Pétion. On l’amène à Saint Louis de Gonzague, d’où il sort médaille d’argent en 1936. Sa mère loue un charriot ce jour-là, car de nombreux ouvrages accompagnent la lourde médaille. La Grand-rue de 1936, avenue du Président Trujillo, représente un boulevard global. Il y a défilé de nationalités dans les enseignes. Chez la plupart des anciennes familles italiennes une certaine courtoisie, toute méditerranéenne, qui a disparu de nos habitudes. L’italien, l’arabe, l’allemand et le juif cohabitaient dans l’ancienne capitale.

Après Saint-Louis, il se présente à l’Ecole des sciences appliquées, l’ancêtre de la fac des sciences. En 1938, «manque de budget de fonctionnement», l’Ecole ferme ses portes. Cette situation, ainsi que l’absence de local, se produisit à plusieurs reprises dans notre histoire universitaire. En décembre 1938, une mission américaine est sur place, à la demande du gouvernement haïtien, pour organiser l’Ecole militaire. Premier concours, novembre 1938 (https://medium.com/@gilbertmervilus/liste-des-candidats-qui-ont-r%C3%A9ussi-au-concours-dadmission-%C3%A0-l-ecole-militaire-d%C3%A9cembre-1938-5cda0469de61). La formation des cadets dure de janvier 1939 à juillet 1941. Après cette formation initiale et muni du diplôme d’officier, il fait partie du groupe admis aux cours avancés d’infanterie à Fort Benning, en Géorgie (EUA). D’autres officiers de la même promotion seront formés et entrainés en Alabama (EUA) pour le combat aérien.

En 1951, l’ancien bibliothécaire et instructeur en lecture de cartes à l’Académie militaire-l’Ecole militaire devient Académie militaire d’Haïti en 1943- est désigné boursier pour l’Espagne. A l’époque, portant le grade de lieutenant, il est aussi responsable de la correspondance entre le Grand Quartier général et les institutions correspondantes d’Amérique du Sud. Lauréat à 2 reprises (Madrid et Zaragoza), il est invité à Salamanca pour assister aux cours du père de la philologie espagnole, Ramón Menendez Pidal (1869–1968). Il termine 1er de la classe (Philologie) sur les espagnols, chez eux, dans leur propre langue. D’après les informations obtenues de Victoria Barcina Cuevas,responsable de l’Archivo Histórico, les professeurs furent: Esteban Madruga Jiménez, Manuel García Blanco, Fernando Lázaro Carreter (futur directeur de la Real Academia), Cesar Real de la Riva,Antonio Tovar, Zamora Vicente, Láinez Alcalá, Ramos Loscertales, Sánchez Ruipérez, Doctor Cruz Hernández, Dámaso Alonso, Jose Manuel Blecua, Francisco Induráin, Manuel Alvar, Camilo José Cela (futur Nobel de littérature), Federico Torralba, Carlos Clavería (https://medium.com/@gilbertmervilus/salamanca-christophe-mervilus-47157de46658) .

L’amandier, à l’entrée, au-delà des absences et du séisme, continue de grandir

Vous vous demandez pourquoi insérer cette «Histoires d’haïtiens» dans un texte dominé par Kafka? Au-delà de nos sérieuses déficiences structurelles, on a la forte conviction que les idéaux sont elevés. En osant rêver, on risque d’oublier le pays de l’analphabétisme programmé et ses préjugés stupides: on prête les cahiers des aînés pour avancer.

Du 14 juin au 22 octobre 1957, le professeur d’espagnol, d’arithmétique commerciale-mathématicien redoutable dès Saint-Louis-, l’ancien secrétaire général du Violette Athletic Club et capitaine dans l’Armée est chargé du Département (ministère actuel!) du Commerce et de l’Economie nationale. Je me rappelle la voix sincère du général Pierre Merceron qui me raconta comment son frère d’armes lui sauva la vie, au cours d’un constat à Thor (Carrefour). «Le 1er avril 1957. Michel Conte des Casernes Dessalines et le sous-lieutenant Fréhel Andral Colon investiguent une affaire de dépôt d’explosifs à Thor. Sur place se trouve le juge de paix Fournier Fortuné agissant en qualité de suppléant de Duval Duvalier. Conte souleva ce qui semble être une boîte à cigare. Alors l’explosion retentit. Le juge est projeté dans un angle de la pièce. Conte a les deux bras arrachés et se retrouve aveugle. Son collègue Colon y laisse un bras et un œil … Le premier mourra au bout de quelques jours, suivi peu après de son camarade. (Diederich et Burt 1986 : 92)». Il m’expliqua que lui et Merceron, sauvés de justesse, à quelques mètres, eurent des difficultés auditives pendant quelques jours.

L’historien Leslie Péan affirme «L’armée. Le 27 novembre 1960, soit cinq jours après le déclenchement de la grève, Duvalier procède à la mise à la retraite des colonels progressistes et réputés de gauche tels que Paul Laraque, Christophe Mervilus, Hamilton Garoute ; des lieutenants-colonels Max Chicoye et Ernst Biamby. Deux jours plus tard sont retraités d’autres officiers supérieurs tels que les majors Roger Célestin et Max Buteau ; les capitaines Musset Despeignes, Hermann Prepetit Roger Nicolas, Marx Jean-Baptiste et Roland Jean-Louis ; et enfin les lieutenants Joseph Coupet, Yves Volel, Anthony Volel et Max MacCalla. Dans un deuxième temps, une semaine plus tard, avec la dent dure qui le caractérise, Duvalier procède au transfert de 36 officiers supérieurs dont les colonels Jean-René Boucicaut, René Forvil ; les lieutenants-colonels Max Alexis, Roger Tribié, Lecestre Prosper, René J. Léon ; les majors Lionel Honorat, Yves Cham, Max Deetjen, Charles Turnier, Joseph Lamarre, Octave Cayard ; les capitaines Monod Philippe, René Jacques, Frédéric Arty, etc. » (http://www.alterpresse.org/spip.php?article21480#.XCfi28BqRGc.twitter )

Merwin et Mina MacDonald (dcds)
«Une imposante formation du Violette Athletic Club au Vieux Parc Leconte. Elle comptait les meilleurs éléments de l’époque. Les rencontres étaient toujours passionnantes. Debout de gauche à droite, 1ère rangée: Sonson Alerte, Elie Maurice, Guy Claude, Yvon Lafontant, Merwing Mac Donald, Fritz Berrouet. 2ème rangée: Louis Savin, André Mathurin, enlevé à notre affection en plain champs de bataille, Fritz Berrouet. 3ème rangée: Evan Léger, Faidherbe Mews (un grand gardien), Yvon Dorcéan», coll. Frankie Morone

Merwin MacDonald, son vieil ami et joueur du Violette (fin des années 30), me confia «[…]début des années 60,les duvaliéristes médiocres avaient peur de lui, mais Duvalier le respectait. Les duvaliéristes médiocres le trouvaient indifférend à la cause; mais Duvalier souhaitait le réintégrer dans l’Armée, après les cinq jours d’emprisonnement. Les plus grands macoutes comme son condisciple à Saint-Louis Féfé Hérard se mettaient au garde-à-vous.Milieu des années 60, souriant, il répondit au général Breton Claude qui l’attendait à la sortie du Collège Classique, à Lalue, en face de la ruelle Duffort-après ses cours du matin-. Le puissant messager l’informa que Son Excellence l’avait désigné traducteur officiel de la présidence. Avec beaucoup plus de dimension, car il avait antérieurement traduit pour Estimé et Magloire. En 1966, Après avoir traduit en direct le discours du Président François Duvalier et celui de Galo Plaza Laso- ancien président de l’Équateur- au Palais national, le futur secrétaire général de l’O.E.A., brisant les règles du protocole, s’est dirigé vers l’interprète-traducteur pour le féliciter vivement». Ce dernier propos précisé, aussi par le Dr. Pierre Montès.

Un lointain samedi après-midi des années 70, assis derrière la porte, j’écoutais un débat entre Martial Day, Arsène Pierre Noël et lui. Je crois que c’est le genre classique du moment historique qu’on regrette n’avoir pas pu enregistrer! Ces messieurs ont pris le mombin d’Haiti (souvent confondu avec cirouelle); ont voyagé avec, depuis, au moins, l’arrivée de Rodrigo de Triana (celui qui annonça la terre d’Amérique à Colomb), sur la caravelle La Pinta; ont considéré ses variantes indiennes et comment les espagnols utilisèrent le fruit; les sous-ordres, dans la taille et la couleur; les appellations caraibéennes; ses applications pharmacologiques; et mon Dieu, ont fait un relevé tactico-militaire des quartiers de PauP où on remarquait l’abre du mombin. Le débat, embrassa même, en étymologie musicale, la chanson bien connue du Trio Matamoros de Cuba, où il existe une variété de quenettier (mamoncillo), dans la province d’Oriente, semblable au mombin.«Frutas Del Caney», est le titre de la chanson. Je souhaite ne pas vous dire que pendant presque 3h d’horloge, l’appellation scientifique, en latin, des fruits et de leurs ramifications tombaient avec exactitude…Il y avait, comme un siège pluridisciplinaire autour du mombin, ce jour-là: l’historien-naturaliste (Pierre Noël); le militaire-pharmacologue, dramaturge (Day); lui, le militaire-philologue. Ces conversations constituaient une habitude! Mais mon Dieu, comment ces grands Hommes (Fritz Eugène, Numa Tassy, André Jean, Antoine Guerrier, André Robert, André Brutus, Martial Célestin, Raymond Lafontant, Merwin MacDonald) parlaient de grandes choses que, souvent, un gratteur, caché derrière la porte, ne comprenait pas. J’étais ce « gratteur/resquilleur»… (Rapporté au blog Coin de Pierre et au Dr. Pierre Montès en 2012). Ce souci permanent de bien faire dans le travail, les responsabilités et les conversations expose, tout naturellement, à l’hypertension, dans un milieu dominé par des machines et des faiseurs d’impasse …

L’auteur (5–6ans) et son père, Christophe Mervilus

Au cours d’une conversation du milieu des années 90, je demandai à ma mère, si elle se rappelait quand elle croisa le personnage pour la première fois. C’était à l’occasion d’une parade au Champ de Mars. En retournant sur les lieux et après avoir minutieusement analysé l’espace d’alors, je répondis le lendemain, «tu l’avais vu, ou c’est lui qui t’observais…».

Gilbert Mervilus, 28–29 décembre 2018

Notes: Jean Jacques Christophe Mervilus (3 janvier 1919–13 mai 1987)

Haïtiennes d’hier… https://medium.com/@gilbertmervilus/ha%C3%AFtiennes-dhier-ffc47972cb3

L’histoire cubaine de chaque famille haïtienne https://medium.com/@gilbertmervilus/lhistoire-cubaine-de-chaque-famille-ha%C3%AFtienne-b92fcf9744f7

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