Rafael Leónidas Trujillo Molina, Listín Diario

LA PARENTÉ HAITIENNE DE TRUJILLO

Don Gilberto
11 min readApr 9, 2017

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Par Julio G.Campillo Perez

Traduction Robert R.Price

Nota: Gilbert Mervilus a uniquement choisi les photos.

De: Revue de la Société Haītienne d’Histoire et de Géographie d’Haīti, en décembre 2000.

(NDLR de la Revue de la Société Haītienne d’Histoire et de Géographie d’Haīti, en décembre 2000. Ģ Nous reproduisons ci-dessous l’étude sur les origines haītiennes de Rafael Léonidas Trujillo, parue dans le numéro [157] Juillet-décembre 1997, de la revue Ģ Clio ģ, organe de l’Académie dominicaine d’Histoire. Cette étude signée de Julio G. Campillo Perez, directeur de la publication et président de l’Académie, a été traduite en franįais par M. Robert R. Price).

Quelques semaines aprčs la proclamation de l’Indépendance dominicaine, le Conseil Central de Gouvernement (Pouvoir Exécutif Provisoire) édicta un décret mettant sous séquestre tous les biens meubles et immeubles ayant appartenu aux Haītiens vivant sur le territoire national, de męme que les biens des tenants du parti anti-séparatiste.1

Quelque temps aprčs, la loi №52 du 2 juillet 1845 intégra ces propriétés au domaine de l’état, ainsi que celles dont les propriétaires étaient inconnus, ou qui avaient appartenu aux organisations antérieures ou aux organisations religieuses.2

Comme toute loi promulguée ā la faveur de contingences politiques, celle-ci n’était qu’au fond qu’une revanche ā l’encontre d’une loi promulguée le 8 juillet 1824 par le Président Boyer au détriment des citoyens du pays opposés ā l’occupation haītienne.

Au bout de deux ans, une nouvelle loi fut prise, appelée loi ampliative (la loi №11 du 2 juillet 1847) en faveur des Haītiens ou des ayants-droits haītiens dont la succession avait été ouverte avant mars 1844. Il était permis ā ceux-lā de réclamer leurs droits, pour que leurs biens soient soustraits de la masse globale déclarée faisant partie du patrimoine de l’état dominicain.3

Cette nouvelle disposition légale permettait en outre aux citoyens nés sur le territoire national, de parents ou de grands-parents haītiens, d’élire domicile en République dominicaine afin de réclamer leur part d’héritage provenant de leurs ancętres.

C’est ainsi que parmi ces citoyens le mineur Leonidas Saladin Chevalier (Juan Maria Léonidas Fortuné), dont la mčre et tutrice, Eléonore Juliette Le Chevalier (Eleonore Julieta) représentait les intéręts. Cette derničre fit donc les démarches légales en ce sens ( Annexe1).

Effectivement, Leonidas était le fils légitime ou légitimé de feu Sylvestre Fortuné Saladin Coustard et d’Eleonore Juliette Le Chevalier, connue comme familičrement sous le nom de Diyette (1810–1905). Diyette était la fille de deux mulâtres libres naturels d’Haīti, Bernard Le Chevalier et Louise Moreau. Du ait de cet ancętre, le mineur avait droit ā la succession de son grand-pčre défunt Jean Marie Saladin, citoyen de Port-au-Prince, qui avait été de son vivant commandant de la place de Santo Domingo et colonel du 32e régiment haītien. Il était lié au Gouverneur haītien (Alexis Carrié) ā un point tel que ses enfants Marie Louise et Alexandre épousčrent deux des enfants de Carrié portant le męme prénom : Alexandre et Marie Louise Carrié Levigne.4

Ainsi, dans la męme succession oų figurait Leonidas Saladin Chevalier, se trouvaient également réunis sa tante, Marie-Louise, veuve d’Alexandre Carrié (Lami ou Sati), une de ces cousines orphelines, Maria del Carmen, fille de Marie-Louise Carrié et d’Alexandre Saladin Coustard (Adin), et enfin un de ses oncles, fils naturel reconnu du vieux tronc Jean Marie Saladin, ā cette époque, les fils naturels héritaient du tiers des biens qui revenaient aux enfants légitimes.

Tous ces parents de Leonidas devaient en fin de compte perdre leur droit ā la succession. Et pour cause, ils avaient conservé leur nationalité haītienne : leurs biens furent donc confisqués au profit du domaine public de l’état. Fut également comprise dans ce groupe, la demoiselle Elsise Arché (voir annexe 2), légataire des biens meubles laissés par l’aīeul Saladin.

Les biens mobiliers comprenaient : a) une maison de deux étages située ā la rue El Conde, d’une valeur de 10.000 pesos ; b) une maison donnant face au Monastčre de San Francisco , avant 1.200 pesos ; c) une propriété ā Yaca, 152 pesos ; d) d’une ferme ā San Jeronimo, 3.250 pesos. Cette ferme ā San Jeronimo avait été vendue antérieurement par le Gouvernement pour payer une dette successorale ascendante de 702.20 pesos.

Selon une résolution prise le 26 février 1848 en accord avec la loi de 1847, résolution signée par la Justice et l’Instruction Publique, l’Intérieur et la Police, la Guerre et la Marine, les Finances et le Commerce, le Pouvoir Exécutif reconnut au mineur Leonidas Saladin Chevalier ses droits ā la nationalité dominicaine. En outre, il lui avait été assigné les 3/10edu patrimoine successoral, ā savoir des droits ā une propriété indivis d’une valeur de 3.406.60 pesos et, aprčs jugement, le produit de la vente de la ferme de San Jeronimo, soit 746.30 pesos. Le comptable général de la ferme avait été autorisé ā exécuter la résolution, moyennant une entente ā l’amiable avec la tutrice. Celle-ci devait faire exécuter au préalable les formalités prévues par la loi sur la succession des mineurs.

Altagracia JULIA TRUJILLO VALDEZ (née MOLINA CHEVALIER) (21 janvier 1865, San Cristóbal- ? 1963,Miami)

Leonidas Saladin Chevalier- aux dires du licencié Gilberto Sanchez Lustrino5 en référence ā son livre sur Trujillo ? était le frčre utérin de Luisa Ercina Chevalier, elle-męme fille de Diyette et d’un citoyen haītien Turenne Carrié. De plus, Luisa Ercina était la mère de Julia Molina Chevalier, ā son tour mère de Rafael Leonidas Trujillo (voir annexe 3).

Leonidas Saladin Chevalier était donc le grand oncle de Trujillo, ce qui probablement le choix de son second prénom. Et toujours selon Sanchez Lustrino, Diyette avait épousé un compatriote haītien du nom d Poirier de qui elle eut un fils prénommé Stanilas.
Au fil des ans, la ferme San Jeronimo, en tout ou en partie, n’a pu ętre acquise par Leonidas Saladin Chevalier, vu qu’elle avait été déjā vendue par l’état dominicain, comme nous l’avons mentionné plus haut.

Timbre poste à l’effigie de Altagracia JULIA TRUJILLO VALDEZ (Yvert, 330–333)

Cette ferme avait été achetée par plusieurs familles, entre autres la famille Michelina ; elle devint par la suite l’ Ģ Edifice Ramfis ģ domicile de Rafael Leonidas Trujillo y Molina, petit neveu de Leonidas Saladin Chevalier et est actuellement le sičge de la Chancellerie ou Secrétairerie des Relations Extérieures.

Altagracia JULIA TRUJILLO VALDEZ, au milieu

Leonidas Saladin Chevalier a toujours entretenu de trčs bons rapports avec les Trujillo y Molina. Ce fut d’ailleurs lui le parrain de sa ničce Altagracia Molina Chevalier qu’il tînt sur les fonds baptismaux de l’église paroissiale de San Cristobal le 17 novembre 1866 avec Altagracia Molina comme marraine. C’est le prénom Chaladen qui figure dans l’acte de baptęme. C’est ainsi qu’on prononįait ā l’époque le nom Saladin.

Il fut également témoin au mariage de sa soeur Ercina Chevalier avec Juan Pablo Pina Roson, mariage célébré dans la męme église paroissiale de San Cristobal le 27 mars 1882. Quelques années plus tard, il fut encore témoin au mariage conclu entre les parents de Trujillo : Jose Trujillo Valdes et Julia Altagracia ou Altagracia Julia Molina Chevalier, le 29 septembre 1887.6

En outre, Leonidas Saladin Chevalier fut Procureur syndiqué de San Cristobal en 1872 ; il fut deux fois Maire adjoint (1876–1877), (1896–1899) et deux fois Président du Conseil communal ( 1877–1878), (1885–1886).7,8 De plus, on trouve son nom et son adresse ā la rue San Juan du village de San Cristobal dans l’album de Enrique Deschamps Ģ république Dominicaine ģ..9

Trujillo, au début des années 30

En dépit des liens familiaux étroits mentionnés plus-haut ? phénomène inexplicable ? Rafael Leonidas Trujillo y Molina n’hésitera pas ā faire persécuter et massacrer les Haītiens et, paradoxalement, ceci ne l’a pas empęché pour autant de rendre hommage ā ses ancętres, particuličrement ā sa famille maternelle, son aīeule dona Ercina Chevalier, sa mčre dona Julia Molina dont le sang haītien coulait dans ses veines.

Ce ressentiment qu’il semble avoir manifesté durant sa longue présidence serait-il dû ā son rejet par certains clubs sociaux du fait de son ascendance.

Annexe №1

Acte de naissance de Leonidas Salidin Chevalier
(Juan Maria Leonidas Fortune)

Aujourd’hui le six août mille huit cent trente deux, an vingt neuvičme de l’Indépendance, ā dix heures du matin, — Par devant, nous, Martin Galicia, officier de l’état civil de la commune de Santo Somingo, a comparu le citoyen Fortuné Saladin, originaire de Port-au-Prince, capitale d’Haīti, majeur, Lieutenant du 92e régiment en garnison dans cette place, accompagnés des citoyens Jean Marie Saladin, son pčre légitime, Colonel de régiment et Commandant de la place et de la commune de Santo Domingo, et Alexandre Saladin, son frčre majeur, âgé de vingt cinq ans, adjudant-Capitaine de la place, tous deux originaires de Port-au-Prince, lequel nous a présenté un enfant de sexe masculin qu’il nous a déclaré ętre son fils naturel né de ses ?uvres avec la citoyenne Eléonore Chevalier, native de cette ville. Auquel enfant, le comparant a déclaré donner les prénoms et nom de Juan Leonidas Fortuné. Dont acte fait en notre Hôtel en présence des témoins lesquels aprčs lesquels aprčs lecture ont signé avec nous ainsi que le comparant dans le Registre de l’état civil affecté ā cette fin.

Signés : M.A. GaliciaQ, Fortuné Saladin
Registre 15 Livre 3 des Actes de l’état civil
Registre des Naissances, 1831–1834
Ref : 452

Annexe №2

Résolution du gouvernement dominicain
26 février 1848 en faveur de l’héritier
Leonidas Saladin Chevalier
Document №29

Vu la requęte de la dame Eleonor Julieta Chevalier, veuve Saladin, réclamant en sa qualité de mčre et tutrice de son fils légitime mineur Leonidas Saladin, le partage des biens de la succession de feu Juan Maria Saladin, afin que son sus-nommé fils puisse entrer en possession de la portion lui revenant en tant qu’héritier légitime dominicain sous bénéfice de l’inventaire et documents additionnels par elle présentés, ce qui prouve qu’il ne saurait y avoir de discussion ni de doute sur la validité des droits de son fils en ce qui concerne trois immeubles, le partage peut avoir lieu sans aucune interdiction de la justice ; vu la loi du 2 juillet 1847, ampliative ā celle du 3 juillet 1845 sur les biens nationaux , aprčs délibération en Conseil des Ministres, il est déclaré que conformément aux données apposées au bas de cet accord, le mineur héritier dominicain a droit aux sept dixičme des trois immeubles, faisant partie de la successionSaladin, situés sur le territoire dominicain comme suit :

Treize mille cinq cents six pesos et cinquante centimes????$ 13.506.50
De cette somme, sont déduits mille cent soixante deux pesos et cinquante centimes????????????????????????.$ 1.162.50
provenant de meubles légués par le testateur ā Mlle Elisa Arché
Sont partagés ?????????????????????..$ 12. 344.00

De cette somme, sont prélevés les neuf cent vingt deux pesos, valeur actuelle de la ferme de San Francisco vendue par le gouvernement pour payer quelques dettes du défunt, reste ā partager ce qui a été encaissé.

En possession du gouvernement se trouvent onze mille cent cinquante deux
pesos sur la valeur des immeubles.
A savoir :

La maison située au haut de la rue Condé estimée dans l’inventaire de la Justice ā $ 10.000.00

La maison en face de San Fransisco $ 1.200.00

Les propriétés de Yaca $ 152.00

Total $ 11.352.00

Reviennent au gouvernement

De la portion de l’épouse de S. Carrié $ 3.405.60

De la portion de la fille de Adin Saladin $ 3.405.60

De la portion de l’enfant naturel male $ 1.135.20

Reviennent ā l’héritier dominicain Leonidas.$ 3.405.60

— — — — — — — —

$ 11.352.00

La ferme de San Jéronimo a été vendue en monnaie courante pour trois mille deux cent cinquante centimes (sic) $ 3.250.00

De cette somme a été encaissé sept cent deux et vingt centimes $ 702.20

Se trouvent dans les caisses $ 2.547.80

Se trouvent dans la caisse publique $ 2.567.80

Distribués comme immeubles, reviennent au gouvernement provenant :

De la portion de l’épouse de Lami $ 764.34

De la portion de la fille Adin $ 764.34

De la portion de l’enfant mâle naturel $ 256.78

Reviennent ā l’héritier dominicain Leonidas $ 764.34

Total

$ 2.547.80 (sic)

En ce qui a trait aux domaines, chacune des portions, conformément ā l’estimation de la Justice, est inventoriée ā trois mille quatre cent cinquante cinq pesos et soixante centimes, et pour chacune d’elle, le partage, l’adjudication et la prise de possession seront exécutés par le Comptable en chef du Département des Finances avec lequel pourra négocier la mčre et tutrice, comme de fait elle est autorisée ā le faire aprčs délibération en conseil de famille, ceci pour éviter toute communauté et indivision et aussi pour que le gouvernement et l’héritier dominicain soient payés et puissent entrer en possession de ce qui leur revient de la dite succession.

Il est donc déclaré et reconnu ā l’héritier dominicain le droit de recevoir sept cent soixante pesos trente quatre centimes en monnaie nationale, représentant les sept dixičme de la somme de mille cinq cent quarante sept pesos quatre vingt centimes encaissés par le Trésor en tant que résidu de la vente de la ferme de San Jéronimo, selon ce qu’il appert des données établies dans l’arrangement et liquidation par la famille Saladin, eu égard aux biens passés dans le domaine des héritiers et la portion revenant āl’héritier précité. Copie sera remise au Comptable en Chef ā telles fins que de droit

Donné ā Santo Domingo le 26 février 1848 par :
Le Ministre de la Justice et de l’Intérieur (D.F.)
Le Ministre des Finances et du Commerce (D.F.)
Le Ministre de la Guerre et de la Marine (D.F.)
(Livre général des Registres de la Cour des Comptes, Tome 1, Archives Générales de la Nation)

Annexe №1

Acte de naissance de Trujillo

Je, Lizia R/MARIBEL DIAZ RONE Lic. Officier de l’état civil de la 1er Circ. De S.C. Républqiue Dominicaine, CERTIFIE : que dans les archives ā moi confiées existe un acte de NAISSANCE enregistré au №4104, Livre 23, Registre 304, de l’année 1893, duquel sont extraites les données suivantes :

No. ?4304. ? RAFAEL LEONIDAS.-

Qu’en la date du onze du mois de décembre de l’année mille huit cent quatre vingt treize a comparu le Prętre Don MARCELINO BORBON Y PERALTA, curé de cette ville, résidant dans ce village, lequel a déclaré, que le jour du vingt quatre du mois d’octobre de l’année mille huit cent quatre vingt onze, est né RAFAEL LEONIDAS, fils de monsieur José Trujilo Valdez, Administrateur des Postes et de la dame Altagracia Julia Molina de Trujillo, couturičre, tous deux domiciliés dans cette ville, la marraine, Madame Silveria Valdez, et les témoins : messieurs Saturnimo Sanchez et Juan Mateo, tous deux domiciliés en cette ville.
APPENDICE

TABLES GÉNÉALOGIQUES
(produites par Robert Price)
1-
Ascendance et collatéraux de Leonidas Saladin Chevalier
2-A
Ascendance et Parenté haītienne de Trujillo
2-B
Ascendance et Parenté haītenne de Trujillo

RÉFÉRENCES

1 Collection de Leyes Decreto Resolutionnes, etc, Santo Domingo.

2 Édicion 1830. Témo 1. Pags 17–18.

3 Ibidem 9 pags 174–178.

4 Ibidem. Pags 365–367

5 Carlos Larrazébal Blanco Ģ Familias Dominicanas ģ Tomos V111, Santo Domingo 1980.

6 Gilberto Sanchez Lustrino Trujillo, el constructor de una nacionalidad. Cultural s.A. Habana. Pags 29–31.

7,8 Emilio Rodriguez Demorizi, Ģ San Cristobal de Antaflo ģ Santo Domingo, 1946, Pags 49–52. 8. Ibidem, pags 68–70, 79, 96–101.

9 Enreque Deschamps Ģ La Republica Dominicana ģ, edicion Barcelona 1907, Pags 146–150. Segunda parte.

Nota: Gilbert Mervilus a uniquement choisi les photos.

Voir aussi, Par GM:

LE PRÉSIDENT HAÏTIEN STÉNIO VINCENT EST-IL NÉ DOMINICAIN? https://medium.com/@gilbertmervilus/le-pr%C3%A9sident-ha%C3%AFtien-st%C3%A9nio-vincent-est-il-n%C3%A9-dominicain-b366ae0edcfd#.87654cdxy

Les Présidents Vincent et Trujillo

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