L’urgence d’étudier les historiens voisins

Don Gilberto
5 min readAug 8, 2019

Dès qu’on prononce «histoire» chez nous, il faut s’attendre à tout sauf ce qui se rapproche réellement de cette discipline majeure. Je me rappelle ce lointain après-midi du milieu des années 90, lorsque Bernardo Vega m’avait cordialement reçu à la Fundación Cultural Dominicana. Avec sa carte, je me suis présenté chez Doña Virtudes Uribe (Librería La Trinitaria), où je fis connaissance avec Don Virgilio Díaz Grullón.
Je vous invite à un clin d’œil sur Pastor Vásquez, à travers l’article de Gustavo Olivo Peña. Ce talentueux historien est en train de redéfinir le métier d’historien sur l’Ile. Il bouscule sans prétention les vieux préjugés. Gilbert Mervilus, 8/8/19

«L’ouvrage de Pastor Vásquez sur la migration haïtienne

Par Gustavo Olivo Peña | 23 de febrero de 2014, Acento

L’ouvrage du journaliste, avocat et ministre conseiller à l’ambassade de la République Dominicaine en Haïti, Héctor Pastor Vásquez Frías, ¡Éxodo! Un siglo de migración haitiana hacia República Dominicana, (Editorial Santuario, Santo Domingo, 2013) est une remarquable contribution.

Pastor Vásquez a passé de nombreuses années à étudier l’histoire et la réalité de la République d’Haïti. Il a également recueilli des informations sur la vie des Haïtiens qui avaient été amenés dans le pays en tant qu’ouvriers des champs de canne à sucre, engagés par l’État dominicain. En fait, Pastor Vásquez connaissait de près la vie du batey puisque son père travaillait dans l’industrie sucrière.

L’ouvrage propose une lecture critique sur la migration haïtienne et sur les dégâts causés par les préjugés nationalistes en Haïti et en République dominicaine. Il montre comment l’anti-dominicanisme est alimenté à des fins politiques en Haïti, de la même manière que l’anti-haïtianisme est traité en République dominicaine. Pastor Vásquez réfute également les critères de Maurice Lemoine, contenus dans le livre Azúcar amargo, concernant les prétendues pratiques esclavagistes des Dominicains contre les Haïtiens. De même, il consacre une partie de son livre à souligner comment le nationalisme extrémiste des Haïtiens, à différentes époques, est devenu violent contre des marchands étrangers, comme ce fut le cas avec les Syriens à la fin du XIXe siècle. Pastor Vásquez critique également le rôle négatif joué par la Force Nationale Progressiste de droite dominicaine sur la question des relations entre la République Dominicaine et Haïti.

Autres thèmes intéressants du travail qui méritent d’être soulignés:

1-Le mythe de Trujillo et Balaguer opposés à la présence d’Haïtiens sur le sol dominicain

L’auteur démontre que, contrairement à ceux qui mentent depuis longtemps en présentant les dictateurs Rafael Trujillo et Joaquín Balaguer comme des défenseurs du nationalisme, et soi-disant les «seuls» qui ont stoppé la migration haïtienne vers le territoire dominicain, ces deux terribles personnages étaient ceux qui ont embauché le plus d’Haitiens. Dans le cas du dictateur Trujillo, sa décision cruelle et stupide de tuer plusieurs milliers d’Haïtiens (environ 6 000) en 1937 a historiquement porté préjudice à la République Dominicaine, comme le souligne l’historien. Les opportunistes haïtiens utilisent ce fait pour justifier des attaques calomnieuses et injustes contre le peuple dominicain. En outre, comme l’ont démontré d’autres auteurs, comme Bernardo Vega, l’écrivain Pastor Vásquez souligne comment le dictateur Trujillo a ordonné l’assassinat d’Haïtiens, mais a engagé des milliers et des milliers de ces travailleurs son industrie sucrière. Le tyran a gonflé sa fortune personnelle grâce à ces braceros haïtiens. (Cfr. Pages 120, 121 et suivantes).

2-Le fonctionnaire de la chancellerie et les statistiques incomplètes

Pastor Vásquez dénonce que le livre Convenios Bilaterales entre la República Dominicana y Haití, édité et publié par le ministère des Affaires étrangères en 2000, plusieurs accords d’embauche d’Haïtiens ont été omis, par la faute de Wenceslao Guerrero Pou, « dont le père joua un rôle dans l’embauche des immigrés en 1966 » (cf. p. 147).

Rappelez-vous également que Milton Ray Guevara, président de la Cour constitutionnelle en 2015, ainsi que d’autres responsables agissant au nom du gouvernement dominicain, ont embauché 29 000 Haïtiens pour les champs de canne à sucre.

3-Le double discours de Balaguer

L’auteur aborde également le double discours de Joaquín Balaguer, qui utilisait l’anti-haïtianisme à des fins politiques chaque fois qu’il le jugeait opportun, mais dans son livre La Isla Al Revés, il proposait la double nationalité partagée entre Haïtiens et Dominicains, et même une constitution unique. pour les deux pays, en plus d’un gouvernement «confédéré» (Cf.: p. 196 et 197). Voir aussi la publication dans Acento.com.do de l’ouvrage: «Fusion» de RD et Haïti n’est pas une idée étrangère (internationale), mais de Balaguer et Casado Soler.

4-Les Haïtiens embauchés par l’Etat n’étaient pas des migrants «illégaux»

Pastor Vásquez rejette les critères utilisés par ceux qui soutiennent l’arrêt 168 de la Cour Constitutionnelle, à savoir que les enfants et petits-enfants de travailleurs étrangers embauchés par l’État dominicain, entre 1929 et aujourd’hui, ne sont pas Dominicains en raison de la prétendue «illégalité» supposée de leurs parents ou grands-parents

«Un Haïtien qui a été embauché il y a 40 ans, légalement embarqué pour travailler dans l’industrie du sucre, est-il illégal?? Nous pensons que non. Et si tel était le cas, l’illégalité proviendrait de l’État qui aurait dû faire rétablir la situation et ne le fit pas», précise Pastor Vásquez. Il cite plusieurs documents contractuels dans lesquels il est clairement indiqué que l’État dominicain est lui-même tenu de fournir les moyens de restituer à Haïti les braceros contractés. (Cf.: pages: 320 et suivantes).

5-Il souligne que Roberto Rosario coupable de dépossession de documents aux citoyens. Il affirme que le président de la Junta Central Electoral (JCE) a agi avec beaucoup de préjugé contre les Dominicains d’origine haïtienne (Cf.: p. 340 et 341).

6-Defend Sonia Pierre, et souligne ses contributions en tant que combattante sociale et défenseure des droits de l’homme, ce qui lui a valu la haine de l’extrême droite dominicaine, mais également le soutien et la reconnaissance des secteurs sociaux les plus progressistes, ainsi que des entités internationales (Cf .: p.: 361)». Gustavo Olivo Peña | 23 de febrero de 2014, Acento; adaptation du texte «El libro de Pastor Vásquez sobre la migración haitiana» en français par G.M.

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