M. LUCKNER CAMBRONNE, ministre de l’intérieur et de la défense est limogé
Publié le 17 novembre 1972 -LE MONDE
Port-au-Prince (A.F.P.) — M. Jean-Claude Duvalier, président de la République de Haïti, a procédé, le mercredi 15 novembre, à un remaniement spectaculaire de son gouvernement. Il a en effet limogé M. Luckner Cambronne, ministre de la défense et de l’intérieur, considéré comme l’ “ homme fort “ du régime. Dans une allocution radiodiffusée, M. Frantz Cineas, ministre de l’information et de la coordination, a indiqué que M. Cambronne serait remplacé par M. Roger Lafontant, consul général à New-York. Il a également annoncé la nomination d’un nouveau ministre de la justice, M. Fournier Fortuné, en remplacement de M. André Rousseau.
Lorsque M. Jean-Claude Duvalier avait succédé à son père, en avril 1971, à l’âge de vingt ans, la plupart des commentateurs s’accordaient à ne voir en lui qu’un figurant, la réalité du pouvoir appartenant, selon eux, à M. Luckner Cambronne. Peu à peu, pourtant, celui qui avait été nommé par dérision “ Baby Doc “, en référence à “ Papa Doc “, son père, a affirmé son autorité, aidé des conseils de Mme Simone Duvalier, la veuve du dictateur défunt. La décision qu’il vient de prendre pourrait marquer un tournant dans l’évolution du “ duvaliérisme “, car M. Luckner Cambronne était assurément le ministre le plus contestable et le plus contesté du gouvernement de Port-au-Prince.
On ne manque pas de souligner en Haïti les conséquences d’un tel limogeage. Conséquences économiques d’abord, avec l’abandon probable de la politique des “ concessions territoriales “ accordées à des sociétés étrangères (île de la Tortue, région côtière du Cap-Haïtien) qui avait été très mal accueillie par l’opinion publique haïtienne.
D’autre part, la fermeture de la “ banque du sang “ semble presque certaine. Elle s’accompagnera sans doute d’une résiliation du contrat liant l’État haïtien à la société “ Hemo Caribbean SA “, dirigée par l’homme d’affaires américain Joseph Gorinstein, qui exporte avec un important bénéfice le sang haïtien recueilli dans un quartier pauvre de Port-au-Prince, à 4 dollars la prise de sang. Un proche collaborateur de M. Cambronne, M. Jean Edouard Baker, est actionnaire de cette société. Publié le 17 novembre 1972 -LE MONDE
