Oraison funèbre du Colonel Baker Bastien (SS) FAd’H
ORAISON FUNÈBRE DU COLONEL BAKER BASTIEN (SS) FAD’H PRONONCÉE EN L’EGLISE STE THÉRÈSE DE PETION-VILLE PAR LE LIEUTENANT GHÉTHO CHERTOUTE (SS) FAD’H
Monsieur le Représentant du Ministre de la Défense,
Madame Poénie Percinthe BASTIEN,
Mesdames Barbara, Cynthia BASTIEN et Familles
Messieurs Jean Jacques Baker , David BASTIEN et familles ,
Révérend Père,
Amis éplorés par le départ du Colonel Baker BASTIEN,
Messieurs les Membres des Forces Armées d’Haïti :
Je suis le Docteur Gétho Chertoute, médecin orthopédiste, affecté au Service de Santé des FAD’H. Après ma formation militaire au Mexique et à la Base Militaire Anacaona, il appartenait au Colonel Bastien en tant que Directeur du Service de Santé, de m’accueillir avec quatre (4) autres camarades pour nous introduire dans la pratique médicale militaire. D’où, durant près de deux (2) ans, le Colonel a passé la plus grande partie de son temps au bureau à travailler directement ou indirectement avec nous. Cette relation privilégiée, jointe au caractère ouvert du Colonel, nous a permis de bien saisir les contours du personnage . C’est à ce titre qu’il m’échet le triste mais insigne honneur de prononcer les quelques mots qui suivent, même si le Révérend Père a, de façon éloquente, bien campé le Disparu dans son homélie de circonstance.
Le Colonel était un philosophe, un réaliste, un observateur avisé qui ne se faisait d’illusion ni sur la vie en général , ni sur ses personnelles capacités . Pour vous en convaincre, nous allons nous référer au paragraphe deux (2) de sa dernière correspondance militaire. Une lettre qu’il a écrite au Commandant en Chef, en date du 24 mai 2021 , exactement 7 jours avant son 75ème Anniversaire de naissance, soit 15 jours avant sa mort pour demander sa mise à la retraite. Une lettre prémonitoire de la fin et qui révèle ou résume en même temps la personnalité de l’homme et je cite :
“ La biologie a ses lois selon lesquelles l’homme naît , croît, se reproduit, dépérit et meurt.”
Cette vérité générale admise, il persiste pour la rapporter à sa propre personne, et je le cite à nouveau :
“ A la phase quatre de ses fonctions vitales, c’est-à-dire le dépérissement, le soussigné s’estime heureux d’avoir bénéficié des faveurs célestes, humaines et environnementales. De ces humains , il lui paraîtrait impardonnable de ne pas avoir une pensée spéciale pour cette classe de citoyens tant civils que militaires, armés de la pensée de Dessalines, reproduite par François Denis Légitime. Celui-ci rappelait justement dans son livre, “ L’Armée d’Haïti: sa Nécessité, son Rôle “: N’est pas digne d’être Haïtien qui n’est pas un bon père , bon fils, bon ami et surtout, bon soldat.”
Le Colonel paraissait en pleine forme physique, pourtant cette correspondance était un adieu évident. Un adieu fait avec courage et calme qui disait clairement :
“Je n’ai pas peur de la mort, pourquoi d’ailleurs en avoir peur? Peur ou pas, l’aboutissement sera le même”.
La lettre du Colonel Bastien est aussi un testament, un testament de reconnaissance envers les Pères de la Patrie et de recommandations adressées à nous survivants du pays d’Haïti pour que nous ayons demain une Nation de réels citoyens, et je reprends la phrase:
“Pour être digne d’être Haïtien il faut être bon fils, bon père de famille, bon ami et surtout, bon soldat”.
Chers parents et amis, je ne crois nullement qu’il faille davantage élaborer sur cette lettre testamentaire pour reconnaître en l’officier supérieur: un moraliste, un penseur, un réaliste et surtout un patriote. Aussi, vous invité-je à méditer les pensées du Colonel-Médecin héritées du Fondateur de la Patrie et à les faire vôtres , car elles vous feront aborder la vie avec plus de sagesse. En même temps, elles vous rappelleront que le sort de notre pays dépend de la qualité de citoyens que nous sommes et de la qualité de citoyens que nous laisserons en vue de parvenir un jour à une réelle Nation Haïtienne.
Avant d’atteindre le stade d’homme mûr que nous venons de décrire, le Colonel, après ses études classiques , s’était dirigé vers la médecine. Son diplôme de docteur en médecine une fois obtenu, le jeune médecin a choisi de mettre ses connaissances au service des Forces Amées d’Haïti. C’est ainsi qu’il fit son entrée dans l’Institution Militaire le 12 février 1975.
Cet officier-médecin a été affecté tour à tour comme Inspecteur Médical des Départements Militaires du Sud, du Nord-ouest et du Nord. C’est au Cap Haïtien qu’il se fera signaler par le biais de ses différentes correspondances adréssées à la Direction du Service de Santé sise à Port au Prince. Aussi, le directeur de l’Hopital Militaire d’alors, Feu le Dr Roland Guillaume, n’a-t-il pas hésité à entreprendre des démarches aux fins de récupérer cette valeur sûre comme médecin de service à l’hôpital qu’il dirigeait.
Dans le but de parfaire ses connaissances, pour mieux servir, le Lieutenant Bastien sollicita et obtint une bourse à l’Hôpital de l’Université d’Etat d’Haiti où il s’est interressé à la médecine interne en général et à la cardiologie en particulier.
De retour à l’Hôpital Militaire, l’officier a gravi tous les échelons de la hiérarchie militaire jusqu’à être promu Colonel le 28 mars 1991 et affecté comme Assistant-Directeur de l’Hôpital Militaire le 30 décembre 1992. A la remobilisation des Forces Armées, il était tout indiqué pour occuper la prestigieuse fonction de Directeur du Service de Santé des Forces Armées d’Haïti. Et c’est dans cette fonction qu’il nous a laissés la semaine dernière.
Le Colonel Bastien était aussi cet époux qui voyait un support sans faille en la personne de son épouse, Madame l’Infirmière Poénie Percinte Bastien. De même , il était ce père de famille, fier de ses enfants , fier de l’éducation qu’il leur a donnée. Et, à chaque fois que l’occasion se présentait , il ne manquait point de se vanter auprès de ses interlocuteurs de compter deux écrivaines de valeur dans sa progéniture. Et, tenez-vous bien, quand, à son avis , l’interlocuteur était de qualité, il lui dédicaçait lui-même des ouvrages au nom de ses filles.
Ce qu’il est important encore de retenir du Colonel Bastien : c’est vrai qu’il est parti relativement tôt, mais il est parti sans regret, satisfait du travail qu’il a accompli. Ne devrions-nous pas tous agir tout au cours de notre vie, pour être habités par ce même sentiment , quand notre heure à nous aura sonné ?
A vous tous membres de la famille, au nom du Ministère de la Défense et des Forces Armées d’Haïti, je vous présente mes sincères condoléances.
Mon Colonel,
Certains de nos collègues qui , pour des raisons indépendantes de leur volonté , ne peuvent pas être ici présents me chargent de vous dire “ADIEU” en leur nom!
Bon voyage mon Colonel!
14 JUIN 2021