BNC Turgeau; photo G.M.

Parking et trottoirs de banque: les nouveaux «salons» du peuple…

Don Gilberto

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Madame Nedje Brierre
Mr. Eugène Lalane (à droite) et son fils

A Madame Nedje Brierre
& Mr. Eugène Lalane, qui rêvèrent un système bancaire différent de celui que nous connaissons.

Il y a presque quarante ans, Madame Brierre m’initia dans la lecture des Polk’s world bank directory, la Bible des banques, banquiers et sociétés de fiducie aux États-Unis et à travers le monde, avec des informations précieuses consacrées aux intérêts du secteur en majuscules.

En observant notre quartier, les contours de tout édifice abritant un ou plusieurs guichets constituent un impressionnant salon. On se rassemble pour budgétiser et conspirer. La survie dans notre capitale ayant atteint une dimension complexe. Pour notre génération, l’histoire des transferts et des files relativement longues (pour l’époque) commença avec la HATREXCO (Haitian Transfer Express CO) à la rue du Champ-de-Mars. Vers le milieu des années 80, l’agence s’installa à la rue des Casernes, en face de deux centrales syndicales alors assez bruyantes. L’année 2023 et ses terrifiantes bousculades (le mois d’avril fut exceptionnel) nous ordonnaient déjà de rédiger l’histoire de ces enseignes qui s’imposent comme référence financière — et sociale… — dans ce qui nous reste de capitale…

En décembre 2017, nous nous interrogions si les défaillances du «service à la clientèle» bancaire ne finiraient pas par créer une sorte de taxe informelle lorsqu’ils vous offrent un calendrier?

En 2022, mes inquiétudes se résumaient en une phrase: «Ne payons-nous pas un frais pour rester debout, dans une position frôlant la mendicité aux caisses? ». Le néologisme ne fut admis dans aucun lexique mais il existait: le «frais kanpe». En cette même année 2022, je me suis mis à étudier le comportement des clients du guichet chauffeur d’une succursale de mon voisinage. Ils semblaient autorisés à endommager les installations de l’ancienne compagnie publique d’eau et causer de sérieux torts aux riverains. On dirait qu’ils prenaient plaisir à réaliser sur le trottoir toute manœuvre pour détruire les tuyaux de l’actuelle DINEPA. A ce sujet, on racontait dans le quartier l’histoire d’un fameux personnage. «Beau-fils; beau-frère, etc» beau-je-ne-sais-quoi d’une personnalité politique, en position autour de l’air du temps -ou le vent qui promet-, il attendait la providence présidenciable pour appeler un boss-maçon et faire déposer une couche protectrice de sable et de ciment sur le travail des techniciens de la DINEPA.

2022 fut sans discussion une année révélatrice sur la survie de nos succursales bancaires. Pendant de longues semaines, les guichets s’ouvraient les lundi, mercredi et vendredi. Les autres jours de la semaine transmettaient automatiquement un parfum de dimanche.

Tout ceci n’est qu’une préface de ce qui nous attendrait en 2024, autour des guichets de banque et de nos agences de transfert. L’approvisionnement en espèces se fait «au jour le jour», et peut-être deux fois par jour, selon la conjoncture. Fort souvent, les clients doivent sagement attendre l’arrivée du fourgon et la procédure d’accès à la caisse. Certes, les banquiers ont leur propre jargon pour s’excuser…

A souligner: le dimanche 17 juin 2007, fête de la paroisse du Sacré-Cœur, c’était l’inauguration majestueuse de la banque du dimanche à la Banque Nationale de Crédit (BNC). A partir du lundi 14 mars 2016, une jeune et belle équipe magnifique a séduit le quartier et Port-au-Prince par son dévouement dans le service aux clients. Attrapés presque tous par d’autres cieux, leurs noms sont restés dans nos cœurs. Récemment, j’ai croisé un membre du staff de sécurité et nous causions sur la qualité inoubliable du service.

En cette fin de 2024, dans une capitale réduite à quelques quartiers et la fermeture obligée de plusieurs succursales bancaires et d’agences de transfert, les contours de tout guichet se transforment en «salon» du peuple, souvent avec des risques énormes de bagarre et intervention musclée du staff sécuritaire…

Les esprits rationnels pensent honnêtement que ce secteur d’activités (banques et maisons de transfert), sous forte surveillance internationale, constitue le dernier carré institutionnel du morceau de pays dans lequel nous vivotons…

Gilbert Mervilus, 27/12/24

Note:Avec une population urbaine de 474.702 habitants et la rurale de 3.542, Turgeau frôlait le demi-million dans les estimations de 2009, faites par l’Institut de Statistiques. La succession de nos séismes, les uns plus complexes que les autres, nous porte à croire qu’actuellement Turgeau et son voisinage immédiat auraient atteint le million d’âmes.

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