Un campus particulier, au-delà des secousses
Avant 1861, il y eut de nobles intentions et des projets. Tous emportés par nos déchoukajs structurels. Comme pour les batailles d’Alexandre, l’histoire n’a retenu que les plus hauts faits et d’extraordinaires audaces. Imaginez le mot «faculté» apparaît dans un projet de loi du 28 juillet 1896. Dans le pays de 1900, on souhaite «mettre l’Ecole Nationale de Médecine & de Pharmacie sur le même pied d’égalité que l’Ecole Nationale de Droit…».
Les amants de cartophilie sont toujours émus en découvrant dans les anciens catalogues un Thérèse Montas ou un Benoît Couba en bon état, illustrant l’Ecole de Médecine de la décennie 1930–40. Pendant des années, l’emblématique campus (inauguré le 3 octobre 1927) figure parmi les constructions d’une capitale qui s’installe dans un certain 20ème siècle architectural. A la page 3 du Nouvelliste du 6 février 1937, l’édilité de Port-au-Prince mentione «l’Avenue de l’Ecole de Médecine» dans la deuxième partie du cortège pour le lundi gras. Trois grands édifices du pays eurent le privilège de se situer dans leur propre avenue: le Palais national (avenue de la République), le Quartier Général de la Garde (avenue du Quartier Gle de la Garde) et l’Ecole de Médecine dont l’avenue efface l’ancienne rue Herne et préface le prolongement de la rue Oswald Durand.
Sur ce haut lieu du savoir où les revendications d’étudiants ressemblent parfois aux secousses volcaniques du Palais national, par une chaude matinée d’examens d’homologation un finissant habitué aux chaleurs du béton ordonna intempestivement de ne pas prendre de photos. Il était porteur de propos radicaux envers le ministère de la santé, le décanat et le «système». Ce jour-là, le spectacle des poubelles renversées traduisait une tension exponentielle. Le visage martialement menaçant de ce finissant rappela à tous qu’à un certain moment, deux concours d’admission de haute tension mobilisaient une partie de notre jeunesse: celui de la FMP et celui de l’Académie Militaire. D’après les rumeurs et témoignanges de l’époque ces concours se ressemblaient : le candidat de la FMP devait danser avec un cadavre lors de la fameuse fête des bleus. A l’Académie Militaire «le jour de baptême de feu fut marqué par des vomissements, des pleurs, des blessures aux coudes, aux genoux et des regrets».
Ce campus constitue un séduisant mystère, avec son robuste ficus elastica (caoutchouc) planté au cours de la décennie 1920–30. Il est resté l’unique lieu de formation supérieure qui continue de marquer les premiers cercles de la République. En ces moments de rentrée scolaire et universitaire, ne devrions-nous pas commencer à envisager une histoire de la FMP comme matière d’enseignement. Cela fait quand même 160 ans de combats…
Gilbert Mervilus, août- 1er octobre 2021
Notes: Le projet de loi du 28 juillet 1896. La législation de l’hygiène, de l’assistance publique, de l’enseignement et de l’exercice de la médecine en Haïti, fascicule 4, 1888–1917; pages 42–49
Le Moniteur 27 juin 1900, égalité Ecole Nationale de Médecine et celle de Droit
Le Nouvelliste, 6 février 1937, page 2 et 3
Jean Rodolphe Joazile, Promotion 1982- 1984 ; Haitiz-News, 5 0ct. 2017
L’Ecole Militaire de la Gendarmerie d’Haïti a commencé à fonctionner le 1er octobre 1921 (Le Matin, 8 dec 1921). Elle devenue Académie Militaire Haïti en novembre 1943.
Arbre caoutchouc : Du Livre Bleu d’Haiti (1919–20), nous lisons: «le figuier élastique [….] récemment introduit [par les américains]»