Coronavirus : Un carrefour complexe

Don Gilberto
3 min readJul 1, 2021

Sachant que la mémoire de nos catastrophes souffre d’un sérieux déficit de témoignages du simple citoyen (petite vérole en 1881–82 ; grippe espagnole aux Cayes en novembre 1918 ; dysenterie en 1921–23, etc)…, j’avais décidé de prendre quelques notes, dans le plus grand désordre.

Au début de la semaine du 20 mars 2020, ma voisine Béatrice m’apprend qu’un pasteur aurait administré à des fidèles du Mistolin apparemment béni, comme mesure préventive contre le coronavirus. L’étonnement coriace s’empara de nos amis présents lors de cette conversation. Les uns avancèrent homicide et les autres souhaitèrent l’arrestation pure et simple, car le produit est un puissant désinfectant au contenu chimique dangereux. Aussitôt, je me rappelai l’automédication du citron dans l’œil, très en vogue lors de l’épidémie de conjonctivite du début des années 80. Dans la belle langue française qu’ils maîtrisent remarquablement, l’Autorité ne cesse de nous surprendre : Enfin, les citoyennes et les citoyens seraient devenus au centre de presque toutes les préoccupations ! On avait même affirmé -au début qu’on nous informerait «au moins deux fois par jour » … Nous sommes donc un pays organisé…

Nous voici donc en fin de semaine (20 mars 2020). Je demande à Béatrice qu’est devenu le pasteur Mistolin ? Nous avons souri. Mais ce n’était plus le sourire de lundi, car en ce vendredi midi le visage grimaçant de l’état d’urgence sanitaire était douloureusement installé dans tous les cœurs. Mon premier constat de la nouvelle situation fut le blocus sur la route de Juvénat, à 8h30 am. Une évaluation précipitée me fit penser aux files dans les stations d’essence (Hexagone et Unibank). J’ai dû attendre quelques bonnes minutes pour comprendre qu’il s’agissait d’un grand mouvement de clientèle à Compas Market, Rue Rigaud à deux pas du consulat dominicain. Vers 11h, j’appris qu’on attendait jusqu’à deux heures d’horloge pour un sachet de pain à TagMarket Bois Patate. Le kérosène gagna, soudainement, de nouvelles étoiles. En ces temps de sévère rationnement électrique, on en aura besoin pour l’éclairage, sans oublier la cuisine. Ce vendredi 20 mars 2020, presque tout le monde avait oublié Nostradamus, le message de Fatima et même le pasteur Mistolin. Rien qu’en regardant à distance les supermarchés et bazars de Pétion-Ville, on se rendait compte nous venions d’entrer dans un quelque chose qui nous dépasse. Un quelque chose qu’il faut regarder avec la plus grande prudence.

Gilbert Mervilus

Paru dans Info Gazette Médicale No 7, 30/ 06/ 21; page 10

Article antérieur: Qui s’occupe de la santé et de la sécurité de nos médecins ? https://gilbertmervilus.medium.com/qui-soccupe-de-la-sant%C3%A9-et-de-la-s%C3%A9curit%C3%A9-de-nos-m%C3%A9decins-f3f7c52817d3

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